« Le rap fait partie du patrimoine culturel français »


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Antilop SA

Antilop Sa s’affiche sur tous les murs du métro parisien. D’aucuns auraient tort de croire que ce jeune artiste rap congolais est un nouveau venu dans le milieu. Dans le circuit depuis plus de 10 ans, il vient de signer son premier album solo L’encre en guise de larmes distribué par une Major. Entre plaisir d’écrire et volonté de dé-ghettoïser le rap, il garde la tête froide quant à sa carrière qui décolle. Interview.

Antilop Sa., (Anti salope, le terme « salope », en argot des banlieues françaises, signifie mouchard) un nom provocateur, pour un artiste qui ne l’est pourtant pas le moins du monde. Au contraire. De son vrai nom Tony Locko, l’artiste congolais a grandi à Paris dans le XXe arrondissement. Enfant des quartiers, il ne renie rien. Pourtant, à 24 ans, il souhaite sortir le rap du ghetto où on le cantonne pour toucher un plus grand nombre de gens. Distribué par Barclay (Universal), son premier album solo[[<*>Il fait partie du groupe ATK « Avoue que tu kiffes » avec lequel il a déjà fait un album en 1998 « Heptagone ».]]L’encre en guise de larmes, fait de lui un personnage médiatique, puisqu’il bénéficie d’une vaste campagne d’affichage dans le métro parisien. Ce qui ne l’empêche pas de rester simple.

Afrik : En tant qu’enfant de banlieue, défends-tu des thématiques particulières liées à la cité ?

Tony Locko : L’album est construit comme un film. Il y a différentes ambiances musicales, chacune témoignant d’une partie de ma vie. Je ne fais pas une fixation sur la banlieue parce que j’essaie de ne pas ghettoïser le rap. Je n’ai pas de revendications de quartier très marquées, même si je garde une culture urbaine très forte. J’amène les gens dans mon univers.

Afrik : Vous vous définissez comme un étudiant en rap. C’est à dire ?

Tony Locko : Je me considère comme un étudiant en rap parce que j’apprends tous les jours. Je me nourris sans cesse des expériences des autres.

Afrik : Que pensez-vous de la production rap actuelle ?

Tony Locko : Il y en a pour tout le monde. C’est un peu un fourre-tout, où il y a du bon et du mauvais. Mais cette hétérogénéité du rap permet à des gens différents d’accéder à notre musique

Afrik : Pour beaucoup le rap est en train de connaître ses dernières heures. Qu’en pensez-vous?

Tony Locko : La mort du rap, ça fait longtemps qu’on en parle. Mais il est toujours là. Et quand on voit le succès de personnes comme Diam’s, ou Sniper, force est de constater que le rap à encore de beaux jours devant lui. C’est 20% des ventes d’albums en France. Qu’on le veuille ou non, le rap fait partie du patrimoine culturel.

Afrik : Quel regard jetez-vous sur le milieu du rap ?

Tony Locko : Je garde beaucoup de distance par rapport au milieu, à part avec les collègues de mon label. Je reste en marge de la jet-set du rap, même si j’y ai déjà goûté.

Afrik : Vous êtes d’origine congolaise. Quels rapports gardez-vous avec l’Afrique?

Tony Locko : L’Afrique, j’en porte la couleur. Je suis arrivé du Congo à l’âge de 3 ans mais je n’y suis plus retourné depuis. Mais ça a toujours été dans mes projets de découvrir le continent. Ça a même beaucoup influencé ma carrière. Je n’ai jamais connu ma mère, qui est restée en Afrique. Suite à son décès en 2003, j’ai tout remis en question. J’ai voulu tout arrêter. Car, du vivant de ma mère, je nourrissais l’espoir de la revoir un jour pour lui présenter mes projets, ma carrière, afin de lui montrer que j’étais malgré tout devenu un homme.

Afrik : Qu’est ce qui vous a décidé à reprendre votre vie d’artiste ?

Tony Locko : L’écriture. Une fois que je suis devant la feuille, je la laisse rarement vierge. J’ai un véritable plaisir d’écrire. Et bien que la source se soit tarie avec la mort de ma mère, tout est revenu spontanément depuis.

Afrik : Vous êtes distribué par un gros label français (Barclay). Vous bénéficiez d’une campagne d’affichage dans le métro parisien. Quels effets cette « célébrité » vous fait-elle ?

Tony Locko : Ça fait bizarre de devenir un centre d’intérêt. Ça change les rapports avec les gens. Tout est faussé. Heureusement que mon entourage est très sain. J’ai fait le tri dans mes fréquentations, ce qui m’évite pas mal de galères. Pour ce qui est de ne pas attraper la grosse tête, mes amis sont toujours là pour me faire redescendre sur terre.

Afrik : Quel est votre rêve d’artiste ?

Tony Locko : Que ma musique soit largement diffusée et que les gens apprécient mon travail.

Afrik : Quels sont les artistes que vous aimez ou que vous admirez ?

Tony Locko : J’admire beaucoup Passi pour son parcours, depuis Minister Amer à Dis l’heure de zouk. J’aime aussi beaucoup Miss Dynamite. Du du côté des anciens, j’apprécie énormément la musique de Dr Dre, Timbaland ou encore Rakim.

Afrik : Dans le rap actuel, beaucoup d’artistes, dont vous faites partie, n’utilisent plus les scratchs dans leur musique. Pourquoi nier cette discipline du Hip hop?

Tony Locko : Si je n’utilise pas beaucoup les scratchs dans mon album, j’ai en revanche deux DJ (Saïd et Nacer) sur scène. En live, il y a vraiment un show entre les DJ et le MC (maître de cérémonie, le chanteur, ndlr). Une autre version de l’album, plus spontanée. Pour apprécier ma musique, il faut les deux : une écoute scénique et une écoute disque.

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