Le destin de l’Afrique repose entre ses propres mains


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arton19868

Nous vivons une année importante pour l’Afrique. La Coupe du Monde attire tous les regards vers le continent. Ses atouts et ses faiblesses sont plus que jamais sur le devant de la scène, sous l’œil impatient de l’opinion publique internationale. Quelle histoire l’opinion retiendra-t-elle ?

Le commerce international reprend également, aussi bien entre les pays africains qu’avec les autres continents et notamment les pays du Sud. Le commerce entre l’Afrique et la Chine a plus que décuplé au cours des dix dernières années, et il ne s’écoule pas une semaine sans que l’on n’apprenne la découverte de nouveaux gisements de pétrole, de gaz, de minerais et d’autres richesses en Afrique.

La valeur de ces ressources augmente, tout comme l’activité économique sur le continent. Le changement climatique attire aussi l’attention sur le vaste potentiel de l’Afrique en matière d’énergies renouvelables, comme l’hydroélectricité, la géothermie, l’énergie éolienne et solaire.

En somme, l’Afrique progresse, comme l’indique le Rapport 2010 sur les progrès en Afrique. Mais des questions difficiles demeurent.

Vu la richesse du continent, pourquoi tant d’Africains sont-ils toujours plongés dans la pauvreté ?

Pourquoi les progrès vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement sont-ils si lents et si inégaux ? Pourquoi tant d’Africaines sont-elles marginalisées et asservies ? Pourquoi les inégalités augmentent-t-elle autant ? Et pourquoi tant d’insécurité ?

La bonne nouvelle est que l’accès aux services de base tels que l’énergie, l’eau potable, la santé et l’éducation s’est amélioré dans de nombreuses régions. Ces services demeurent pourtant inaccessibles à des centaines de millions de femmes, d’hommes et d’enfants africains.

Les freins à l’émergence d’une croissance plus équitable

Pour tenter de répondre à ces questions, il faut éviter les généralisations. L’Afrique n’est pas monolithique, elle présente au contraire une diversité spectaculaire. Mais les nations qui la composent partagent des difficultés qui retardent leur développement et préviennent l’émergence d’une croissance plus équitable : gouvernance fragile, manque d’investissement dans les biens et services publics, qu’il s’agisse de la fiabilité des infrastructures, du coût de l’énergie, de la santé publique, de l’éducation, de la productivité du capital humain ou de la productivité agricole.

Le changement climatique complique aussi la situation. Pour être durable, le développement économique du continent doit reposer sur une croissance générant une faible empreinte carbone, soutenue par des plans de réduction des risques liés aux catastrophes naturelles.

Aussi en dix ans nous avons beaucoup appris. Des plans équitables favorisant la croissance économique et la réduction de la pauvreté sont indispensables. Les compétences techniques, administratives et institutionnelles sont essentielles à la bonne exécution de ces politiques. La bonne gouvernance, la souveraineté du droit ainsi que la responsabilité et le contrôle public sont au fond nécessaires pour garantir le bon usage des richesses du continent.

Qu’est-ce qui ralentit les progrès du développement en Afrique ? Ce ne sont pas les connaissances ni les projets qui manquent. Les dirigeants africains ont dans presque tous les domaines défini des plans d’action de qualité, souvent visionnaires, qu’il s’agisse par exemple de l’intégration régionale ou de l’émancipation des femmes. De plus, il existe une profusion de programmes et de projets qui améliorent sensiblement l’existence quotidienne des Africains.

L’Afrique possède aussi d’amples ressources naturelles et humaines, et malgré les fuites illicites de capitaux, le manque de fonds n’est pas l’ultime problème. C’est bien la volonté politique qui fait défaut, tant au niveau international qu’en Afrique.

Au plan international, il est préoccupant de voir le consensus sur le développement compromis par les effets de la crise financière. Plusieurs pays riches tiennent leurs promesses en matière d’aide au développement, mais ce n’est malheureusement pas le cas de tous.

Ces insuffisances ne résultent pas d’un déclin de l’empathie ou de la solidarité entre les peuples. Les montants concernés étant aussi relativement modestes, les contraintes budgétaires ne sauraient non plus les expliquer entièrement.

Elles découlent plus de l’échec à communiquer la nécessité de mettre les besoins des pays en développement au cœur des politiques internationales. Il apparait essentiel d’expliquer que les avantages qui en découlent, politiques commerciales plus équitables ou lutte contre la corruption, ne sont pas simplement éthiques ou altruistes, mais correspondent au contraire à l’intérêt bien compris des pays riches.

Les devoirs des dirigeants africains

C’est aux dirigeants africains qu’incombe avant tout la responsabilité de favoriser une croissance équitable et de réaliser les investissements nécessaires pour atteindre les OMD. Dans bien des cas, cette croissance passera par une présentation stratégique des politiques de développement et une justification plus convaincante du montant des ressources nécessaires.

Le continent compte aujourd’hui nombre de dirigeants qui accordent la plus grande importance au développement de leur pays et de leur continent. Il en faut davantage. Il faudrait aussi que leurs efforts cessent d’être occultés par le comportement autoritaire de certains autres, qui cherchent avant tout à s’enrichir. Les progrès de l’Afrique ne doivent pas se mesurer uniquement à l’aune de la croissance du PIB, mais selon les avantages concrets que la croissance économique apporte à l’ensemble de la population.

L’Afrique est une « nouvelle frontière » économique. Les actions entreprises aujourd’hui par ses partenaires publics et privés peuvent jouer un rôle clé et soutenir ces progrès. Il existe aussi de réelles possibilités de renforcer les partenariats avec la Chine, l’Extrême et le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Amérique latine, afin d’aider l’Afrique à atteindre ses objectifs de développement.

Les dirigeants africains doivent ainsi s’assurer que les accords conclus avec leurs partenaires engendrent de véritables avancées sur le continent. Qu’il s’agisse de partenaires publics ou privés, les normes les plus exigeantes de transparence et d’intégrité doivent être scrupuleusement respectées.

La volonté politique, les compétences pratiques et la redevabilité des dirigeants sont les clés du succès d’une grande histoire commune. La communauté mondiale doit s’assurer que l’Afrique peut faire jeu égal avec ses partenaires sur la scène internationale. Mais en fin de compte, le destin de l’Afrique repose entre ses propres mains.

Kofi Annan est Président de l’Africa Progress Panel, ancien Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies et lauréat du Prix Nobel de la Paix. Le rapport peut être téléchargé sur le site de l’Africa Progress Panel.
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