Le désert en plein coeur d’Alger


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Mabrouka Hadjadj vient d’El Goléa, dans le désert algérien. Elle a planté sa  » khaïma  » (tente) en plein coeur d’Alger et propose thé à la menthe, douceurs, henné et musique. Un cocktail qui marche et qu’elle compte bien exporter en France.

Mabrouka a une crinière de lionne et le tempérament qui va avec. Elle a ouvert il y a un an l’un des endroits les plus agréables de la capitale algérienne. Sa khaïma est une véritable oasis de convivialité. La lourde tente berbère est plantée au coeur du Bois des Arcades, sur un terrain planté d’arbres surplombant Alger. Il n’y a pas mieux pour passer l’hiver. Le thé réchauffe sur un brasero, un canapé garni de coussins brodés invite à la langueur, les tapis absorbent les conversations et les cuivres rutilent au son du luth d’Alla, musicien de Béchar.

Mabrouka Hadjadj, originaire d’El Goléa, a installé le désert dans la ville. Elle s’est lancée dans l’aventure  » les yeux fermés, avec plein d’amour  » et a  » réalisé son rêve « . Avoir un endroit à elle, lieu de rencontre et de détente. Des concerts ont lieu tous les soirs dans cet espace hors du temps, les femmes peuvent se faire faire un henné en grignotant des gâteaux traditionnels tandis que les shîsha distillent leur parfum sucré. Mabrouka organise des fêtes de mariages, de circoncision, des repas d’affaires…

Méchoui kasri

Elle raconte avec gourmandise et de sa belle voix rauque les différentes variétés de couscous qu’elle propose ainsi que la confection mystérieuse de certains plats du Sud comme le méchoui kasri, où la viande est enfournée dans le sable, sous le feu,  » ce qui lui permet de cuire très doucement et de devenir fondante « . Avec sa peau de miel et ses boucles dorées, l’ancienne institutrice d’El Goléa, est elle-même à croquer.

Alors qu’elle vivait encore dans cette ville du désert algérien, Mabrouka passait la plupart de ses vacances chez son frère, installé dans le Nord de la France. Un jour, elle est bloquée sur Paris et rencontre alors celui qui va devenir le père de ses enfants. Elle décide de rester auprès de lui. C’était en 1984 et la vie qui suit n’est pas facile. Elle aide son mari à faire tourner un petit commerce mais elle est sans-papiers et souffre de l’éloignement de son pays. Pendant 13 ans, elle s’oublie. Aujourd’hui, Mabrouka élève seule ses trois enfants,  » tous Français « , après avoir quitté l’homme pour lequel elle a chamboulé sa vie. Elle n’est toujours pas régularisée mais rien ne semble entamer son optimisme pur sucre.

La menthe d’El Goléa

A Alger, Mabrouka vit parmi les siens car elle a entraîné avec elle des gens de sa région natale, ce sont eux qui forment le véritable pilier de la maison. Même la menthe pour le thé vient d’El Goléa !  » Ma ville est réputée pour sa menthe, ses roses et ses oranges qui poussent grâce à une eau de source magnifique !  » précise-t-elle. La recette semble plaire : le tout-Alger se presse sur ses divans accueillants.  » C’est une réussite ! En montant ce salon de thé, j’ai appris beaucoup de choses, rencontré une foule de gens intéressants. Je retrouve mes racines et j’ai envie de les emmener partout avec moi, pour les faire repousser !  »

Car Mabrouka a la bougeotte et elle compte bien faire bouger sa khaïma avec elle. Bientôt, celle-ci prendra le bateau, direction Marseille. Après cette première étape, la ville de Grenoble l’accueillera au mois de mai dans le cadre de l’Année de l’Algérie en France.  » Je vais aussi passer par les grandes villes comme Lyon et St-Etienne avant de monter sur Paris en juin-juillet 2003. J’ai bien envie de faire une caravane et j’attends des sponsors.  »

Elle, qui partage son temps entre Alger et la Seine Saint-Denis, en région parisienne, espère par ce biais  » donner une autre image de l’Algérie. Depuis les années noires du terrorisme, les valeurs de mon pays ont beaucoup chuté, je veux réparer ça, montrer notre culture de la plus belle des façons.  » En transformant sa khaïma en pont ?

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