Lamuka, une coalition qui se délite à quelques mois des élections en RDC


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Martin Fayulu et Adolphe Muzito
Martin Fayulu et Adolphe Muzito

À huit mois de l’élection présidentielle en RDC, c’est le branle-bas de combat dans les différents états-majors. Particulièrement dans le camp de la mouvance présidentielle où les principaux leaders ont signé la charte de l’Union sacrée de la nation, le 5 avril 2023. De son côté, ce qui était la plus grande plateforme de l’opposition, la coalition Lamuka, elle, se délite chaque jour un peu plus.

Créée le 11 novembre 2018 pour être le regroupement de toutes les forces politiques opposées au Front commun pour le Congo (FCC), coalition soutenant l’action du Président Joseph Kabila, la coalition Lamuka apparut comme un éléphant arrivé avec un pied cassé. En effet, alors que le groupe des sept principaux opposants au pouvoir de Kabila – Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe, Félix Tshisekedi, Freddy Matungulu, Martin Fayulu, Moïse Katumbi et Adolphe Muzito – s’était réuni à Genève pour désigner un candidat unique pour faire bonne figure face au candidat de la majorité, Emmanuel Ramazani Shadary, les premières défections ont été enregistrées dès le lendemain.

Contre toute attente, le groupe désigne Martin Fayulu comme candidat de la coalition au détriment de Félix Tshisekedi et de Vital Kamerhe dont les noms revenaient sur toutes les lèvres et qui faisaient figure de favoris pour cette désignation. Il sied de rappeler que sur les sept leaders présents à Genève, seuls quatre avaient vu leurs candidatures validées ; la Cour constitutionnelle avait invalidé celles de Jean-Pierre Bemba et Adolphe Muzito tandis que Moïse Katumbi n’avait pas pu déposer la sienne.

Les défections successives

Évoquant le refus de la base de son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), d’entériner le choix fait par la coalition, Félix Tshisekedi fait défection, moins de 24 heures plus tard. Vital Kamerhe emprunte le même chemin évoquant les mêmes raisons au sein de son parti. Les deux démissionnaires prendront le chemin de Nairobi et mettront sur pied le Cap pour le changement (CACH), la coalition qui remportera la Présidentielle de décembre. Lamuka naît donc handicapée. De sept, les leaders de la coalition se sont retrouvés à cinq puis à six, puisque Mbusa Nyamwisi rejoindra la plateforme. Ayant perdu l’élection, Lamuka va continuer à perdre des plumes. En 2019, la coalition de l’opposition va perdre, coup sur coup, deux leaders : Mbusa Nyamwisi parti en juin et Freddy Matungulu qui s’est retiré en juillet.

Les deux hommes ont été appâtés par Félix Tshisekedi qui a donc réussi à les soustraire à l’opposition. Pressenti pour être ministre dans le gouvernement du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, Mbusa Nyamwisi devra attendre le deuxième gouvernement de Sama Lukonde pour être nommé ministre d’État chargé de l’Intégration régionale. Freddy Matungulu, lui, a été nommé à la Banque africaine de développement (BAD) par Félix Tshisekedi.

Lamuka se réduit alors à Martin Fayulu, Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi et Adolphe Muzito. Mais, la coalition n’a pas fini de s’étioler. En janvier 2021, Félix Tshisekedi réussit à arracher deux autres leaders à la coalition. Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi ont décidé de rejoindre l’Union sacrée de la nation mise sur pied par le chef de l’État, laissant de fait la coalition aux seules mains de Martin Fayulu et Adolphe Muzito, même si les nouveaux alliés de Félix Tshisekedi n’avaient pas voulu admettre leur départ, dès le début.

Le divorce entre Fayulu et Muzito sonne-t-il la fin de la coalition ?

Ces derniers jours, plus rien ne va entre les deux cofondateurs restés dans la coalition : Martin Fayulu et Adolphe Muzito. Le 31 mars 2023, le premier a annoncé avoir pris acte du retrait du second de la plateforme, ce que ce dernier n’a jamais reconnu. Mieux, Martin Fayulu passe, le samedi 8 avril 2023, le flambeau de la présidence tournante à une nouvelle personnalité qui ne faisait pas partie du présidium : Mathieu Kalele, proche de Martin Fayulu.

Face à ce coup de force du président de l’Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECIDé), le parti d’Adolphe Muzito n’a pas hésité à se fendre d’un communiqué pour repréciser sa position. « Monsieur Martin Fayulu, après avoir unilatéralement et frauduleusement coopté au Présidium de Lamuka son ami Mathieu Kalele, vient de procéder, ce samedi 8 avril 2023, à la passation du pouvoir en faveur de celui-ci comme Coordinateur de Lamuka, en violation de sa Convention », fait observer le communiqué. « De ce qui précède, poursuit le communiqué, Nouvel Élan prend acte de la rébellion de Monsieur Martin Fayulu et son parti ECIDé contre la convention de Lamuka ».

Pour le parti Nouvel Élan d’Adolphe Muzito, la véritable passation des charges se fera le mardi 11 avril 2023. À l’occasion de cette cérémonie, le parti fera le constat de « l’auto-exclusion de Lamuka de Monsieur Martin Fayulu et de son parti » et prendra les dispositions pour la « reprise de la Coordination de Lamuka ».

Entre les deux cofondateurs rescapés de la coalition, le divorce est consommé. Vidée de toute sa substance, la coalition Lamuka donne finalement l’impression d’être devenue une coquille vide. Au moment où, dans le camp d’en face, on fourbit ses armes en vue des joutes électorales de décembre.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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