La xénophobie prend-elle pied en Libye ?


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Drapeau de la Libye
Drapeau de la Libye

En Libye, pratiquer le sport, en l’occurrence, le football, sur un terrain vague est-il interdit aux étrangers? Pas officiellement. Seulement, attention aux non-Libyens ! La mort qui a frappé, fin septembre, le camp des immigrés ghanéens, nigériens, soudanais et nigérians, installés en Libye, est révélatrice d’une forme de xénophobie très violente.

Une banale question de terrain de sport a opposé les Libyens aux étrangers, en majorité des ressortissants de l’Afrique de l’ouest et du centre. L’affrontement sanglant qui s’ensuivit a fait, d’après nos sources, plusieurs victimes du côté des émigrés. Combien de morts ? De blessés ? Difficile à dire. Le bilan demeure, pour l’heure, fort contrasté. Six morts selon les statistiques officielles à Tripoli. A N’djaména, par contre, une source indépendante parle de soixante treize africains tués dont une soixantaine de Tchadiens. En visite dans la capitale libyenne, le ministre des Affaires étrangères Tchadien, M. Mahamat Saleh Annadif, a affirmé sur les ondes de RFI qu’ « il y a eu moins d’une dizaine de morts… Ce n’est pas la première fois que des événements pareils surviennent en Afrique…Nous sommes en train d’examiner les solutions à ce problème, donc il ne faut pas dramatiser « .

Langue de bois

Le ton assez diplomatique, frisant la langue de bois, est loin de rassurer les parents des victimes tchadiennes. Avec des versions aussi contradictoires qu’invérifiables, à quelle source faut-il se fier ? Notre tentative de contacter le ministère des Affaires étrangères libyennes s’est soldée par un échec. Communiquer avec la Jamahiriya Libyenne n’est pas chose facile. En fait, à entendre les discours officiels à N’djaména, Niamey et Abuja, la tendance est de minimiser le drame. Or au Nigeria, l’affaire est prise très au sérieux. Au point d’inciter le gouvernement a demander le rapatriement des Nigérians.  » Plutôt que de leur permettre de continuer à salir le nom du Nigeria et de mettre en danger des vies humaines à l’extérieur, le gouvernement a décidé qu’ils seraient rapatriés pour contribuer à la reconstruction de la nation  » affirme l’assistant du président Obasanjo, M. Doyin Okupé.

Prémisses de l’intolérance

Que ce soit une, deux, ou trois personnes tuées pour une dispute sur un terrain de football, l’événement porte en lui des prémisses d’une nouvelle situation politique en Libye, qui se caractérise par une intolérance vis-à-vis de l’étranger. Et le discours tenu dans certaines sections du Congrès général du peuple (structure législative) est clair :  » Il faut arrêter l’immigration des africains « . L’origine de l’affaire est peut-être là. Par ailleurs, d’autres sources avancent que ce sont les opposants au colonel Kadhafi qui auraient monté ce coup pour saboter la nouvelle politique étrangère de la Libye. Une diplomatie définie, on le sait, par le rêve panafricaniste du Kadhafi. Résultat : aujourd’hui, la Libye s’est détournée des pays arabes pour se consacrer aux efforts de paix en Afrique noire. Acte de gratitude du colonel Kadhafi à l’égard des pays africains qui l’ont soutenu pendant la dure période de l’embargo américain.

Pour donner la bonne mesure de cette nouvelle diplomatie, le journal Al-Zhaf Al-Akhdar a écrit que les auteurs de ces troubles sont  » des agents à la solde de l’impérialisme international « . On comprend dès lors le discours très conciliant et tolérant des dirigeants tchadiens, nigériens et nigérians. Va-t-on ranger les morts en pertes et profits au nom du rêve panafricaniste de Kadhafi ?

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