
Expulsée de Tanzanie dès son arrivée, l’opposante kényane Martha Karua voit sa tentative d’observer le procès de Tundu Lissu brutalement interrompue. L’incident, passé sous silence par Dodoma, provoque une onde de choc dans la région et ravive les inquiétudes sur le recul démocratique en Afrique de l’Est.
L’arrestation puis l’expulsion, dimanche 18 mai 2025, de l’opposante kényane Martha Karua dès son arrivée à l’aéroport de Dar es Salaam a déclenché une vague d’indignation au‑delà des frontières tanzaniennes. Venue observer l’ouverture du procès de l’opposant Tundu Lissu, la figure emblématique de la justice kényane a été renvoyée manu militari à Nairobi après plusieurs heures de détention. Cet incident, passé sous silence par les autorités de Dodoma, ravive les inquiétudes quant à la dérive autoritaire que dénoncent nombre d’acteurs de la société civile en Afrique de l’Est.
Une intervention avortée au chevet de Tundu Lissu
Martha Karua, ancienne ministre de la Justice kenyane et candidate déclarée à la présidentielle de 2027, espérait assister en tant qu’observatrice à l’audience de Tundu Lissu, inculpé pour « trahison » après avoir réclamé des réformes électorales à quelques mois des scrutins de 2026. À Dar es Salaam, la « dame de fer » kényane était accompagnée d’une consœur avocate et d’une défenseuse des droits humains ; toutes trois ont subi le même sort : arrestation, interrogatoire, puis expulsion.
Ni le ministère tanzanien de l’Intérieur ni la présidence de Samia Suluhu n’ont justifié cette décision. À Nairobi, Martha Karua a dénoncé « une tentative de bâillonner la vérité » et appelé la Tanzanie à « abandonner les charges fantaisistes retenues contre Tundu Lissu ». Elle souligne qu’« observer un procès n’est pas un crime », fustigeant une manœuvre destinée à « détourner la loi pour emprisonner l’opposition ».
Un précédent inquiétant dans la région
Ce n’est pas la première fois que la leader kényane vole au secours d’oppositions voisines : on se souvient de son soutien à l’Ougandais Kizza Besigye ou, plus récemment, de sa prise de position en faveur de Raila Odinga lors de l’élection kényane de 2022. Mais jamais encore elle n’avait été refoulée aussi brutalement d’un pays d’Afrique de l’Est, un fait qui, pour la coalition tanzanienne des défenseurs des droits humains, témoigne d’« un recul démocratique sans précédent ».
L’affaire intervient alors que le Kenya et la Tanzanie cherchent à renforcer leur coopération économique au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est. L’expulsion de Martha Karua risque toutefois de tendre davantage des relations déjà fragilisées par des différends commerciaux récurrents. Des parlementaires kényans réclament désormais des explications officielles et menacent de porter la question devant les instances régionales.
En dépit du camouflet, Martha Karua promet de « poursuivre son combat pour les droits de l’Homme » et annonce une tournée diplomatique auprès des chancelleries africaines. Objectif : plaider la cause de Tundu Lissu et exiger des garanties sur la transparence des élections tanzaniennes de 2026. Déjà, des ONG kényanes et ougandaises appellent à une mission d’observation indépendante.