La société française est pluriculturelle


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C’est une programmation inhabituelle qu’offre la chaîne France 2 le mercredi 14 mars 2001 en première partie de soirée : une fiction consacrée aux immigrés noirs à Paris, et aux difficultés nées du conflit culturel que doivent affronter des communautés écartelées entre les traditions de leurs pays d’origine et les lois républicaines de leur pays d’accueil.

Sujet difficile, à plusieurs titres, où le risque est grand de tomber dans la caricature : image fausse d’une vie facile des immigrés noirs à Paris, image tronquée des cultures africaines qui continuent de nourrir leur identité et leurs références socio-culturelles. Et la fiction est évidemment plus forte que le documentaire pour restituer les contradictions psychologiques à l’oeuvre entre les différentes appartenances…

C’est donc le défi que relève le réalisateur Daniel Vigne, qui met son talent au service de la création télévisée : dire la vérité de l’existence et des valeurs d’une famille malienne bien insérée dans la société française, mais rattrapée par son héritage traditionnel au moment où Fatou, jeune fille libérée qui vient de décrocher son bac, arrive à l’âge de trouver un mari…

Fatou est une jeune française comme toutes les autres : rien ne la sépare de ses camarades, bretonnes, beurs, parisiennes… Tout juste paraît-elle être une jeune fille plus sage, plus réservée, plus pudique, toute entière emportée par sa passion et son rêve : devenir styliste en coiffure, créer des coupes inspirées à la fois par ses racines et sa fantaisie, et être reconnue alors comme une véritable créatrice, dans le milieu de la mode et du luxe. Rêve au service duquel elle met un authentique talent et pas mal d’inspiration…

Rêves et cauchemars

Jusqu’au moment où le rêve de liberté s’effondre brutalement : pris dans les conformismes de leur communauté, ses parents acceptent d’arranger son mariage, à son insu d’abord, puis contre sa volonté. Ni sa mère, Aminata, formidablement jouée par Mariam Kaba, ni son père, Kébé, justement interprété par Pascal Nzonzi, ne sont de mauvais bougres ou des parents indignes. Ils ont bien quelques doutes, mais croient honnêtement agir pour le bien de leur fille. Qui elle-même ne peut imaginer, jusqu’à la cruelle évidence, qu’elle sera livrée à un mari qu’elle n’a ni souhaité ni a fortiori choisi, et qui la tiendra séquestrée, à sa merci, pendant des jours…

Drame contemporain d’une identité partagée entre plusieurs traditions,  » Fatou la Malienne  » n’échappe pas à quelques clichés, voire à un certain manichéisme. Mais c’est une leçon d’espoir, car les représentants de la nouvelle génération, le frère de Fatou, ses amies, à quelque communauté qu’ils appartiennent, se retrouvent dans les mêmes aspirations et parviennent à dépasser tout ce qui pouvait se dresser entre eux-mêmes et l’avenir qu’ils veulent se construire.

Pour une fois que la télévision française se confronte aux réalités d’une société pluriculturelle, on ne boudera pas un film qui en traite sans complaisance. Car c’est l’honneur du petit écran d’être un miroir intelligent des réalités contemporaines.

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