La personnalité du don


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dons de Nuruddin

 » Dons  » est le deuxième volet d’une trilogie de Nurrudin Farah. Avec une histoire d’amour en toile de fond, l’écrivain somalien aborde avec talent la thématique du don en ne négligeant aucune de ses significations.

Duniya est sage-femme. Elle élève seule deux de ses trois enfants, Mataan et Nassiba. De nature indépendante et intègre, elle s’arrange pour vivre sans jamais faire appel aux autres. Car Duniya ne désire qu’un chose : échapper au don qui, pour elle, est toujours intéressé et qui l’offense.  » Toute générosité non sollicitée finit par créer des obligations, on se sent piégé dans un labyrinthe de dépendance « , explique-t-elle. Jusqu’au jour où deux événements viennent bouleverser sa vie et sa vision des choses : elle recueille un bébé abandonné et tombe amoureuse de Bosaaso.

Regard lucide

L’écriture de Nuruddin Farah, précise, imagée et chaleureuse, est un régal. L’auteur donne aux quatre chapitres de son roman une tonalité distincte mais l’amour et le don en sont la toile de fond commune. Comment accepter de recevoir sans se sentir redevable ? Comment donner sans attendre en échange de la reconnaissance ou  » quelque chose qui corresponde à ce que nous avons offert  » ? Telles sont les questions lancinantes qui hantent Duniya et finissent par constituer la problématique réelle de l’écrivain appliquée à la politique, à la religion et aux rapports hommes-femmes.

Nuruddin Farah, s’il n’a plus voix au chapitre dans son pays puisqu’il est exilé depuis 1972 pour raisons politiques, porte, à travers Dons, un regard aiguisé sur les problèmes de la Somalie et plus généralement des pays d’Afrique et de leurs peuples.  » N’avons-nous pas, nous, dans le Tiers-Monde, perdu notre fierté et notre autosuffisance à cause de la soi-disant aide que nous recevons sans discuter du soi-disant Premier-Monde ?  » fait-il dire à son héroïne. La lucidité de l’auteur fait alors entrevoir le cynisme d’une certaine forme de don qu’on nomme  » l’aide alimentaire « . Car c’est bien par cette  » aide « , véritable atout des dominants, que les pays du Nord s’imposent à ceux du Sud.

Au final, seul l’amour réussit à échapper à cette logique calculatrice. L’amour généreux que Duniya donne à Bosaaso, et inversement.

Commander le livre : Dons, de Nuruddin Farah, Le Serpent à Plumes, collection Motifs.

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