La musique comme vecteur culturel


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Avec sa guitare pour tout bagage, Lamine M’bengue a quitté son Sénégal, pays où il était pourtant promis à une belle carrière musicale, pour se lancer dans l’aventure du voyage. En apôtre de sa propre culture, il s’est fait griot à travers toute la France et se nourrit dans l’échange. Portrait.

En faisant la première partie, en 1992, d’un concert à la RTS (Radio Télévision sénégalaise) du grand Youssou N’dour, Lamine M’bengue était promis a un bel avenir. Remarqué par un producteur, il enregistrera trois ans plus tard sa première K7. Suivra un clip et une tournée à travers tout le pays. Mais loin de l’attrait d’une carrière nationale, Lamine cherche autre chose.  » J’avais envie de découvrir le monde, de nouvelles sonorités, de nouvelles cultures, alors sans savoir où j’allais j’ai pris mes cliques et mes claques et je suis parti « .

Il quitte ainsi le Sénégal à 29 ans pour l’Espagne où il souhaitait approfondir la guitare, celle là même qui ne le quitte jamais.  » Mais je me suis rendu compte que je suis plus chanteur que guitariste « . Direction donc la France, nourri qu’il fut par une langue française que son père, officier de l’armée sénégalaise, maniait avec une aisance toute particulière. Mais comme il part de rien et conscient qu’il aura bien du mal à développer sa musique dans l’hexagone, il choisit de se faire griot pour se faire un nom.

A l’encontre de la tradition

Pour mélomane qu’il soit, rien ne prédestinait Lamine à une carrière musicale. En tant que guer (caste des nobles), il n’était pas de bon ton qu’il embrasse la chanson comme gagne pain, tâche dévolue aux seuls griots.  » Je ne devais pas chanter. C’était comme briser la tradition. Ça a fait un scandale dans la famille. Ma mère me disait que chanter n’était pas un métier, qu’on ne pouvait pas assurer son avenir avec la chanson. Mais moi je suis têtu comme une mule « .

Profondément ancrée en lui, sa vocation artistique, qui on l’aura compris n’a rien d’héréditaire, s’est révélée alors qu’il était adolescent. C’est au collège qu’un professeur le fait monter sur scène à l’occasion d’une fête scolaire. Déclic. Cet avenir que ses parents considéraient comme la boite de Pandore était désormais ouvert. Lamine se met à la guitare et fait ses débuts de compositeur.  » Ce n’était pas la guitare en tant que telle qui m’intéressait, je la considérais avant tout comme un support à l’écriture et au chant « .

La culture : une richesse intarissable

Arrivé en France en 1997, Lamine est un parfait inconnu. Avant de nourrir ses ambitions strictement musicales, il se lance dans le conte, enfonçant un peu plus encore le clou de la dissidence face à la tradition. Guer de sang, mais griot de coeur, il part à la rencontre du public.  » C’était plus facile pour moi de faire des spectacles de contes que de faire un concert « , analyse-t-il objectivement.

Stratégie de carrière ? Pas seulement, car  » le conte est une discipline très complète. Il y a du théâtre, de la musique et en plus c’est interactif. Le conte permet de transporter ma culture et de l’amener vers les autres. Il y a un proverbe sénégalais qui dit que  » si tu as un instrument de musique et que tu vis de ta musique, le plaisir est d’abord pour toi « . Et ce qui est vrai pour la musique l’est aussi à juste titre pour la culture. La culture c’est la seule chose que tu peux vendre mais qui te restera toujours. A chaque fois que je fais un conte, je revis ma culture et je la partage. Je ne perds pas au change et je m’enrichis même dans le rapport avec le public ».

Au fur et à mesure, Lamine qui se produit partout où il peut, gagne une notoriété qui l’amène à faire le spectacle de l’Arbre de Noël de l’Assemblée nationale. Une notoriété dont il espère bien se servir pour concrétiser son objectif de départ : monter son propre groupe pour développer sa musique. Aujourd’hui c’est chose faite. Il a créé à Paris sa propre formation et vient juste de sortir son premier album  » Direction Sénégal « , un album témoin de son parcours, un album qui en préfigure bien d’autres.

Voir aussi la chronique de l’album.

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