La mort, les enfants et « Monsieur Lazhar »


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Une école à Montréal, le tragique décès d’une enseignante et Bachir Lazhar, un immigré algérien. Un lieu, un évènement et un individu : c’est le triptyque sur lequel s’appuie la comédie dramatique du cinéaste québécois Philippe Falardeau, Monsieur Lazhar, qui sort dans les salles françaises ce mercredi. Le film a la délicatesse qui sied à son propos : la question du deuil chez les enfants.

Fort d’une expérience « de 19 ans » dans l’enseignement dans son pays d’origine, Bachir Lazhar, immigré algérien de 55 ans, se retrouve en charge, à Montréal, d’une classe d’élèves traumatisées par la disparition de leur maîtresse. Ses méthodes sont quelque peu iconoclastes, mais il convainc sa direction, et les enfants s’y adaptent tant bien que mal. La vie de la classe est cependant perturbée par le fantôme de l’enseignante décédée et le difficile travail de deuil que doivent faire les enfants, notamment Alice et Simon qui partagent comme un secret. Sans le savoir, leur tragédie fait écho à celle de M. Lazhar. Contrairement à ses nouveaux collègues, il estime que la mort doit être frontalement évoquée avec ses élèves pour les aider à guérir de leur traumatisme.

Après Congorama (2006), Philippe Falardeau s’intéresse à un sujet délicat : aborder la question de la mort avec les enfants. Dans Monsieur Lazhar , une adaptation de la pièce éponyme d’Evelyne de la Chenelière, deux philosophies s’affrontent. Si elles sont aussi conditionnées par des éléments culturels, l’évident choc des cultures, lui, est subtilement traité par Falardeau. Car bien évidemment secondaire. Les spécificités du français québecois qui surprennent encore Bachir ; les gentils rappels à l’ordre lancés à un élève qui s’adresse parfois à son maître en arabe et l’humour pince-sans-rire de M. Lazhar himself illuminent un propos difficile. A l’instar de la photographie.

Sobriété et délicatesse

Au fil des aventures de Monsieur Lazhar dans le système éducatif québécois, on découvre aussi les tourments d’un homme et d’un immigré, sobrement incarné par l’humoriste algérien Fellag (Mohamed, de son prénom). Le comédien a obtenu le prix Génie (les trophées du cinéma canadien) d’interprétation masculine dans un premier rôle. Des tourments liés, entre autres, à la politique de « réconciliation nationale » mise en œuvre en Algérie et dénoncée dans un livre par la compagne de Bachir, enseignante aussi. Au grand dam des familles des victimes, cette politique a permis d’amnistier les islamistes impliqués dans la guerre civile qui a endeuillé l’Algérie pendant les années 90. Au Canada, la nouvelle vie de Bachir rime avec la double nostalgie de son pays et de sa famille. Un soir, seul dans sa classe, Bachir entend une musique qui se mue en un rythme algérien sur lequel il ne peut alors s’empêcher d’esquisser quelques pas.

Monsieur Lazhar interroge également les rapports entre élèves et enseignants, quand les règles prohibent désormais tout contact physique entre eux. Comme si les enfants étaient des « résidus radioactifs » dont il fallait se méfier, s’insurge un enseignant dans une scène.

Sans pathos et porté par le jeu épuré des acteurs, enfants comme adultes, Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau interpelle. Sacré meilleur film canadien en 2011 au Festival de Toronto et en lice dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère aux Oscars 2012, ce long métrage est une œuvre tout aussi délicate que le thème qu’il développe. A découvrir ce mercredi dans l’Hexagone.

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