La justice populaire prend des proportions inquiétantes au Cameroun


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Justice, Tribunal
Tribunal (illustration)

Autrefois, quand on attrapait un bandit, sans hésiter, on le conduisait directement dans un commissariat ou dans une brigade de gendarmerie. Puis, l’affaire suivait son cours jusqu’en justice. Qu’observe-t-on de nos jours dans l’ensemble du triangle national ?  Jusqu’à présent nous nous interrogeons, pourquoi les populations ont opté, pour la justice populaire, qui consiste à ôter la vie par lynchage (lapidation, verser du carburant et y mettre le feu, découper avec une machette, injecter du lait,…), même à un présumé coupable. Nous avons encore en mémoire, le cas de cinq bandits récemment brûlés au quartier Pk 8, à Douala. Pourquoi en est-on arrivé ?

Selon l’entrepreneur Hyppolite K., « je pointe un doigt accusateur d’abord aux Fmo (force de maintien de l’ordre), ensuite à nos magistrats, qui se sont laissés emporter par la corruption. Tenez, lorsque vous mettez la main sur un bandit avec toutes les preuves, celui-ci a le courage de vous demander de l’emmener dans tel ou tel commissariat ou brigade de gendarmerie. Vous le faites si bien. Il peut même arriver au parquet. Puis, quelques minutes/heures/jours après, le même bandit passe devant vous, bien habillé, et de fois, il vous pose la question suivante : « vous croyiez qu’en emmenant là-bas, on devait me faire quoi ? » Il arrive souvent que le bandit en question, vienne vous menacer avec une arme blanche (poignard, machette, tesson de bouteille, barre de fer, gourdin, etc) . La question qu’on se pose en pareille circonstance, est celle de savoir, ce que ce dernier a pu faire, pour être en liberté. Est-ce qu’on peut encore faire confiance à nos Fmo ou à nos autorités judiciaires ? Alors, les populations se sentant délaissées à elles-mêmes, ont carrément tourné le dos à tous ces corps. D’où les multiples cas de lynchage des bandits enregistrés dans l’ensemble du territoire national ».

Esprit de vengeance

Pour l’étudiant Félicité G., (si vous avez déjà été victime d’une agression, d’un vol, d’un enlèvement, d’un assassinat d’un membre de la famille, et que vous voyez le coupable en liberté, ou même vous nargue, cela ne peut que cultiver en vous, un esprit de vengeance. Et c’est ce que nous observons malheureusement dans les grandes villes et même dans l’arrière-pays ».

« Que nos dirigeants mettent les moyens, pour améliorer les conditions de vie des populations. Parmi les principales causes de la justice populaire, je citerai, le taux de chômage très élevé. C’est cette précarité qui est à l’origine de cette situation somme toute honteuse et désastreuse », ajoute-t-elle.

« Si la saignée n’est pas vite arrêtée… »

« En ma qualité de chrétien, je condamne vivement la justice populaire. Cette façon de traiter un être humain, même si on l’a attrapé en flagrant de vol, qu’il soit puni autrement. De l’autre côté, j’invite tous les agents de la chaîne judiciaire (policier, gendarme, président du tribunal), de faire leur travail et rien que leur travail, car la notoriété et la prospérité des affaires dans notre pays en dépendent », déclare l’ancien de l’Église Philippe O..

« Si la saignée n’est pas vite arrêtée, certaines personnes mal intentionnées passeront par cette voie pour régler leurs comptes. Là où le bât blesse, est qu’il suffit de crier « Oh voleur/bandit ! « , et la foule est à sa trousse. C’est après l’avoir tué qu’on se rend compte que ce dernier n’avait absolument rien. Mais le voleur ou présumé voleur est déjà passé de vie à trépas. Ou nous avons des institutions en charge des questions judiciaires ou nous n’en avons pas. Que ces institutions mettent un peu d’eau dans leurs moulins », conclut-il.

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