La Gambie égratigne l’Islam


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Lors d’un discours à Banjul mardi, le président gambien a annoncé que les hommes ne pourront désormais épouser que trois femmes au maximum et que le voile dans les établissements scolaires ne seraient plus tolérés. Les sentiments des habitants sont mitigés.

Réformer la polygamie et interdire le port du voile à l’école. Alhaji Yahya Jammeh veut faire de la Gambie un paradis en Afrique et dans le monde. Le chef de l’Etat a présenté, mardi à Banjul, son nouveau projet de société, lors du neuvième anniversaire de la révolution du 22 juillet. Certaines mesures sont loin de faire l’unanimité.

Trois femmes maximum

Les hommes ne pourront plus épouser plus de trois femmes. L’annonce du président n’enchante guère nombre de musulmans. Ils représentent 90% des habitants et sont pour la plupart de fervents pratiquants. « Beaucoup considèrent que le président s’est immiscé à tort dans cette tradition », explique Amadou, qui a tenu à ce que son vrai prénom ne soit pas cité. Le Coran donne la possibilité aux hommes d’avoir quatre épouses dans la mesure où ils peuvent les traiter équitablement.

Cette décision pourrait ne pas affecter la nouvelle génération. Les jeunes tendent à se détacher de cette tradition. Certains disent privilégier un mariage monogame. Un sujet qui n’est pas facile à aborder avec les parents. Beaucoup d’entre eux ne comprendraient pas sans doute pas. « Ma mère a une co-épouse. Elle accepte cette situation parce qu’elle aime mon père et ne veut pas le perdre. Il arrive que des femmes soient abandonnées parce qu’elle refusent la présence d’une autre épouse », raconte Aisatou, 19 ans. Un sacrifice qu’elle ne se sent pas le courage de faire. De même que beaucoup de ses amies. Amadou est tout aussi contre. « Je préfère épouser une seule femme et lui accorder toute mon attention. Si j’en avais plusieurs, je me sentirais malhonnête », souligne ce célibataire de 25 ans.

Les étudiantes voilées seront emprisonnées

L’autre sujet qui risque de faire polémique concerne le port du voile à l’école. Le Président veut purement et simplement l’interdire dans les établissements scolaires d’Etat ou les missions chrétiennes à partir de la rentrée prochaine, en septembre. Seuls les uniformes seront tolérés. Les contrevenantes sont menacés d’une peine de prison.

Pour Aisatou, en arriver à de telles extrémités ne sert à rien. « Il n’y a pas de mal à ce que les musulmanes portent le voile dans une école musulmane. C’est différent si elles sont scolarisées dans une école chrétienne. Elles doivent se plier aux règles qui y sont établies ». Amadou estime que cette mesure arrive à point nommé. « Ils y a eu des problèmes dans certaines écoles. Des jeunes filles voilées, qui insistaient pour assister aux cours, ont poussé certains établissements à fermer leurs portes », raconte t-il. Du côté de l’Etat, on déclare chercher à couper l’herbe sous le pied des fondamentalistes musulmans. Ces derniers chercheraient à attiser la méfiance entre musulmans et chrétiens.

Le remède d’Alhaji Yahya Jammeh est peut être pire que le mal. Le clivage entre les deux communautés pourrait se creuser. Les musulmanes pourraient être poussées à s’inscrire uniquement dans les écoles où le port du voile n’est pas sanctionné.

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