La France vue d’Afrique


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La grande surprise de la présidentielle française, la présence du leader de la droite extrême, Jean-Marie Le Pen, au second tour, a été l’objet de nombreux commentaires de la presse africaine. Entre abasourdissement et inquiétude. Si le Soleil, grand quotidien sénégalais, se demande si les Gaulois ont perdu la raison, plusieurs de ses confrères s’inquiètent pour l’avenir des étrangers en France. Zoom.

Les Français sont-ils devenus fous ?

Quel choc et que de questions hier à l’annonce des premières tendances de l’élection présidentielle française ! Un mythe est tombé. La nation si prompte à s’ériger en donneur de leçon est tombée du haut de son piédestal. Le deuxième candidat à l’élection présidentielle française, dans le coeur des Français, est de l’extrême-droite. Il s’appelle Jean-Marie Le Pen. L’un des tenants de la France souverainiste, de l’inégalité des races, a convaincu lors de ce premier tour le deuxième groupe le plus important d’électeurs.

Qui avait prévu un tel schéma ? Sans doute pas Jacques Chirac, encore moins Lionel Jospin. Mais, même si elle est loin d’avoir réussi son coup, n’en étant pas encore au stade du règne, l’extrême-droite française peut aussi jubiler avec cette sacrée gifle portée à tous ceux qui la croyaient finie depuis la scission entre les Lepénistes et les Mégrétistes, il y a bientôt cinq ans.

Malick M. Diaw, Le Soleil, Sénégal

Le choc d’un cataclysme politique

Au terme d’un premier tour aux allures de cataclysme politique, Jacques Chirac affrontera Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle le 5 mai dont il est à peu près assuré de sortir vainqueur… C’est la première fois qu’une formation d’extrême-droite se trouve représentée au second tour, en l’occurrence Jean-Marie Le Pen, président du Front National. C’est aussi le plus fort taux d’abstention (28%) que l’on ait connu à un premier tour de présidentielle. C’est également la seconde fois que la gauche est éliminée, la première étant intervenue en 1969 avec le duel entre Georges Pompidou et Alain Poher. C’est encore le fait sans précédent d’un Premier ministre qui annonce dès les résultats du premier tour son retrait de la vie politique.

La présence de Jean-Marie Le Pen au second tour n’avait été prévue par aucun institut de sondage, tous donnant comme évident l’affrontement Jospin-Chirac au second tour où leurs scores étaient prévus pour être très proches, voire égaux. Ces dernières semaines, et notamment depuis le début de la campagne officielle le 5 avril, le score de M. Le Pen n’avait cessé de progresser, oscillant entre 12 à 14%. Mais la réalité a dépassé de loin cette prévision: il a recueilli finalement 17%. La mesure du vote Le Pen a toujours été un casse-tête pour les instituts, ses partisans hésitant souvent à avouer leurs choix.

Jeune Afrique

L’invité surprise

La campagne avait été largement centrée sur l’insécurité, un sujet qui depuis des années est le fonds de commerce du président du FN et que Jacques Chirac avait régulièrement mis en avant. La gauche est éliminée pour la seconde fois après le scrutin de 1969 où seuls deux candidats de droite, Georges Pompidou et Alain Poher, étaient restés en lice. Dans une Union européenne où l’extrême-droite participe au gouvernement en Autriche et en Italie, la France apparaît comme l’un des pays où ce courant est le plus fort. Les résultats constituent aussi un désaveu pour cinq ans de cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin, dont le score cumulé dépasse à peine le tiers des suffrages exprimés.

Fraternité-Matin, Côte d’Ivoire

Le Pen n’aime pas les immigrés

Méprisé par ses concitoyens en France, craint par les émigrés, haï de loin par les Maghrébins – les Algériens surtout – Jean-Marie le Pen, l’homme aux nombreux dérapages verbaux, vient de réussir un exploit historique en arrachant, haut la main, le fameux billet pour le deuxième tour dans la course à l’Élysée. Relégué au rang d’outsider, Le Pen, le mal-aimé, a étonné tout son monde en damant le pion à la grosse pointure qu’était Lionel Jospin. Le Pen a une dent contre les émigrés. Il ne les aime pas. Eux non plus d’ailleurs. Mais à voir les Français – qui passent pour être les chantres des libertés et des droits de l’homme – le propulser au perron de l’Élysée, les Algériens, Marocains et Tunisiens de France ont toutes les raisons du monde de craindre le pire : celui de voir cet homme dangereux, élu Président de la République française, au soir du 5 mai prochain.

Hassan Moali, Liberté, Algérie

Séisme politique en France, stupeur en Afrique

La France a connu un séisme politique avec l’élimination du Premier ministre socialiste Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle, qui laisse seuls en lice pour le second tour, le 5 mai, le Président de droite sortant Jacques Chirac et le dirigeant d’extrême-droite Jean-Marie Le Pen. Le scrutin a été marqué par un taux d’abstention record – entre 28 et 29% – et un éparpillement des voix, à droite comme à gauche. Jacques Chirac s’est posé en défenseur de la République, des valeurs humanistes et de la construction européenne, appelant les Français à le rejoindre, au-delà des clivages politiques traditionnels, pour « un sursaut démocratique ». Le président sortant obtiendrait entre 19,9 et 20% des voix.

Republic of Togo

Une honte pour la France

Le Pen au second tour ! Une débâcle, une honte pour la France ! Hollande a beau lancer un « message d’espoir » sur TF1 et parler des législatives, c’est grave, très grave. Alors, on cherche des responsables et on a raison. Le premier, et de loin, c’est Jospin…. Jospin n’a pas fait une bonne campagne, voire pas de campagne du tout. Les socialistes ont beau accuser l’extrême-gauche, qui a fait un score historique (Laguillier : 6,5 % à 21 h, Besancenot : 4,5 %), ils sont coupables. Hollande et Fabius défendent le bilan de Jospin et accusent un peu tout le monde. Triste, très triste ! Mais ils ne sont pas les seuls, il y a toute la classe politique démocratique. Cette campagne, elle l’a focalisée sur les questions de l’insécurité – la droite en porte une large part de responsabilité – dans les quartiers et les cités, sur les affaires. On préfère l’original à la copie, malheureusement. Et il y a ces images du 11 septembre qui n’ont pas volé un mot à ces candidats de pacotille. Que n’ont-ils donc pas condamné l’intégrisme international tout en expliquant clairement qu’il ne s’agit pas d’Islam mais de totalitarisme. Tous se sont tus mais Le Pen, lui, a capitalisé tous ces silences. Alors maintenant, Chirac (20 % au 1er tour) va gagner les élections….Mais rien n’effacera cette honte. Et la honte devrait s’accrocher à tout jamais aux rouges basques de la passionaria de l’extrême-gauche, Arlette Laguillier, qui a déjà prévenu qu’elle n’appellerait pas à voter Chirac. Honte aussi à ces débats ubuesques entre Sarkozy et Hollande, se renvoyant la balle de façon puérile. Honte enfin à ces 4,8 millions d’électeurs qui ont osé voter pour un leader fascisant, antisémite et raciste.

Raphaël Glucksmann, Soir d’Algérie

A qui la faute ?

Cataclysme, séisme, coup de tonnerre, consternation, choc, bouleversement, échec … Les mots ne sont pas assez forts, à droite comme à gauche, pour décrire la victoire de Jean-Marie Le Pen qui sera face à Jacques Chirac au second tour, le 5 mai prochain et l’éviction de Lionel Jospin. Tous les courants politiques se rejettent la responsabilité de ce scénario. Quoiqu’il en soit, la redistribution politique est majeure et les électeurs qui ont voté, le 21 avril, ont manifesté un vote fortement protestataire au moment même où les abstentionnistes, autre forme de protestation peut-être, étaient plus nombreux que jamais (27,63%). Alors que la gauche appelait à un « sursaut national« , la droite demandait une mobilisation républicaine et démocratique. « La République est entre vos mains » a même dramatisé Jacques Chirac dans son allocution.

Clarisse Verhnes, Radio France Internationale (RFI)

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