La France accusée d’avoir fomenté un coup d’Etat en Guinée


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La junte au pouvoir accuse la France et ses services secrets d’être derrière la tentative d’assassinat du capitaine Moussa Dadis Camara et de vouloir déstabiliser le pays. Le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, au pouvoir) a suspendu, par ailleurs, sa participation aux négociations de Ouagadougou, organisées sous l’égide du président burkinabè Blaise Compaoré. Pour les militaires loyalistes, les discussions sur une éventuelle transition démocratique ne sont plus à l’ordre du jour. Ils mobilisent leurs forces sur la traque du lieutenant Aboubakar « Toumba » Diakité, qui a tenté d’abattre leur leader.

Le ministre guinéen des Communications et porte-parole de la présidence, Idrissa Chérif, a affirmé à la presse, mardi, que la France pourrait bien héberger dans son ambassade le lieutenant Aboubakar « Toumba » Diakité, le soldat qui a tiré sur Moussa « Dadis » Camara jeudi dernier et qui fait l’obet d’une intense chasse à l’homme. « Je dis que les Français sont coupables, les services secrets français sont impliqués dans cette affaire », a-t-il déclaré. Il a aussi accusé Bernard Kouchner, avec la complicité d’opposants guinéens, de vouloir déstabiliser le pays. « Il y a trois jours, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a reçu Alpha Condé (opposant guinéen résidant en France). Ensemble, ils ont appelé Mohamed Ibn Chambas, pour lui demander de faire des déclarations et essayer de prendre des contacts avec l’intérieur de la Guinée, afin de pouvoir préparer un coup d’Etat pour renverser le régime, en l’absence du chef de l’Etat. » Selon Idrissa Chérif, les autorités guinéennes auraient obtenu des aveux d’individus qu’elles ont arrêtés. «Nous allons les faire passer à la télévision, et ils vont expliquer comment ça a été organisé», a-t-il lancé.

A Paris, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero, a démenti « énergiquement » ces propos qu’il a qualifiés de « rumeurs absurdes ». Les autorités françaises reconnaissent avoir reçu en toute transparence les opposants Alpha Condé et Cellou Dallein Diallo, à Paris, mais nient avoir fomenté un quelconque coup d’Etat. Les autorités françaises ont par ailleurs manifesté leurs plus vives protestations après que la voiture de leur ambassadeur a été arrêtée, lundi, près de l’aéroport de Conakry, pour être fouillée par des militaires. Les gardes du corps de l’ambassadeur auraient même dû s’allonger sur le sol, sous la menace de lance-roquettes. « Notre ambassade a officiellement protesté auprès du ministère des Affaires étrangères guinéen contre ces manières de procéder et contre ce qui constitue une tentative délibérée de violation de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques », a précisé le porte-parole du Quai d’Orsay.

La transition démocratique n’est plus à l’ordre du jour

D’autre part, le Secrétaire permanent du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), le colonel Moussa Kéita, a déclaré mardi soir que la participation de la junte aux pourparlers de Ouagadougou (Burkina Faso) est désormais suspendue. « Pour le moment, notre participation aux négociations n’est pas bannie mais suspendue jusqu’au retour du président », a-t-il dit sur les antennes de la télévision nationale. Le 20 novembre, le président burkinabè Blaise Campaoré, nommé médiateur dans la crise guinéenne par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avait présenté un premier projet d’accord politique. Mais l’opposition, qui réclame la démission de Moussa Dadis Camara, l’avait catégoriquement rejeté. Le texte préconisait le maintien au pouvoir du chef de la junte pendant une transition de 10 mois et lui donnait la possibilité de se présenter à la présidentielle.

Le colonel Moussa Kéita s’est offensé, hier, des déclarations du président de la commission de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), Ibn Chambas, qui avait affirmé que Moussa Dadis Camara était un obstacle à la paix. Dans un entretien accordé à l’agence de presse Reuters, Mohamed Ibn Chambas avait déclaré au sujet de la junte au pouvoir en Guinée : « Nous devons leur rendre la vie difficile. Ils doivent être ostracisés dans la région, en Afrique et sur la scène internationale ». Et hier, sur les ondes de RFI, il avait enjoint la junte à « contribuer positivement et constructivement à l’établissement de la démocratie ». Le colonel Moussa Kéita s’est demandé si Ibn Chambas était un homme de foi et un Africain. « Il ne se soucie guère de l’avenir de la Guinée et de la santé du capitaine Moussa Dadis Camara ! », s’est-il exclamé. Selon lui, ce dernier foule aux pieds les valeurs cardinales qui fondent les sociétés africaines. Il s’est dit déçu par son attitude et lui a demandé de « mettre de l’eau dans son vin ». Par la même occasion, le secrétaire permanent du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) a appelé les populations à maintenir le calme et la paix.

Pendant ce temps, l’armée continue de poursuivre activement le lieutenant Aboubacar Toumba Diakité qui a grièvement blessé à la tête, jeudi dernier, le capitaine Moussa Dadis Camara. L’état major général des forces armées a annoncé, dans un communiqué, qu’il offrirait une récompense de 200 millions de francs guinéens et une villa pour quiconque dont la contribution aiderait à obtenir la peau de Toumba, qu’il surnomme désormais « Ousama Ben Laden ». L’état major général des forces armées a aussi mis à disposition des numéros verts pour quiconque détiendrait des informations utiles à sa capture.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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