La Chine n’arrive pas en Afrique, elle y retourne


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Depuis plusieurs années, on parle ici et là de l’ « arrivée » des Chinois en Afrique. Colonisation déguisée pour certains, aubaine économique pour d’autres, le phénomène apparaît en tous cas comme très récent dans les médias. En effet, peu de gens savent que les Chinois connaissent le continent depuis des siècles, avant même que les Européens ne découvrent les Amériques.

Aux XIVe et XVe siècles, contrairement à aujourd’hui, les Chinois musulmans occupent des places de choix dans la société. Tel est le cas de Zheng He, un Hui, dont le père, haut dignitaire dans le Yunnan, a été tué par l’armée chinoise au cours d’une campagne militaire. Comme la plupart des fils de chefs rivaux défaits, il est castré pour devenir eunuque à la Cour impériale. Cette proximité avec les courtisanes de l’empereur Yongle, troisième de la dynastie Ming (1368-1644), lui permet de devenir rapidement le grand eunuque, puis amiral de la marine impériale. Il prend alors les commandes de sept flottes, d’un total de 27 000 hommes, et entreprend une série d’expéditions.

Le but de ses voyages est de mettre en valeur la puissance de la Chine, de mener la chasse aux pirates et de développer des relations amicales et commerciales avec d’autres peuples, notamment pour exporter de la soie. Il s’avère être un aventurier ambitieux, et entre 1405 et 1433, visite plus de trente pays et régions, dont un bon nombre en Afrique.

Les bases des relations sino-africaines

Les expéditions occidentales de Zheng He prennent une forme pacifique. Où les navires débarquent, cadeaux et messages d’amitié s’échangent avec les autochtones. L’amiral a vraisemblablement visité les côtes africaines de l’Egypte jusqu’au Mozambique. Lors de sa quatrième expédition à l’ouest (1413-1415), il passe par les ports de Mogadiscio (Somalie actuelle) et Malindi (Kenya actuel), d’où il ramène des lions, des léopards, des autruches et une girafe qui fait sensation dans la capitale chinoise. En raison des bonnes relations tissées avec les Africains, notamment grâce à sa confession, il visite une nouvelle fois les deux villes au cours de sa cinquième exploration (1416-1419) et descend manifestement jusqu’au Mozambique. Enfin, il découvre, selon les sources, les côtes africaines de la mer Rouge pendant une sixième expédition (1421-1422). En tout donc, au moins trois de ses sept voyages sont passés par le continent africain.

Le célèbre navigateur meurt finalement en 1434. Dès lors, Pékin renonce à ses ambitions maritimes pour se concentrer contre les invasions mongoles. Le Chine se referme peu à peu et perd rapidement son avance sur les Européens, qui vont quant à eux s’installer durablement en Afrique, mais sans user d’autant de diplomatie et de courtoisie. Comme l’a indiqué l’historien français Rémi Kauffer, il s’en est fallu de peu pour que l’Afrique ne soit chinoise. La Chine, aujourd’hui, n’arrive donc pas en Afrique mais y retourne. Et comme au temps de Zheng He, de manière plus fine que les Européens.

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