
Dans le bidonville de Kibera à Nairobi, la capoeira, art martial afro-brésilien aux racines africaines, s’impose comme un exutoire et un levier d’émancipation pour la jeunesse. Entre mémoire, résistance et expression corporelle, cet art ancestral redonne espoir à toute une génération.
Née dans la douleur de l’esclavage, la capoeira, art martial afro-brésilien aux racines africaines, connaît un nouvel essor à Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi. Dans cette zone urbaine souvent stigmatisée, la capoeira prend un tout autre sens : outil de libération personnelle, moyen de s’ancrer dans ses origines, et voie d’émancipation pour la jeunesse kenyane. Aujourd’hui, cet art mêlant danse, combat, musique et acrobatie devient un véritable vecteur de transformation sociale.
Kibera, nouveau berceau africain de la capoeira
Au centre Capoeira Angola, les corps se balancent en rythme au son du berimbau, instrument emblématique de la discipline. Ce lieu atypique, fondé par Salim Rollins, ne se contente pas d’enseigner des mouvements ; il reconnecte les jeunes à une histoire oubliée. “La capoeira a été créée par les Africains réduits en esclavage au Brésil, originaires d’Angola et du Congo”, explique-t-il. À Kibera, cette mémoire est ravivée, ramenant l’art à sa source tout en ouvrant de nouveaux horizons.
Pour Nasri Babu, 25 ans, la capoeira est bien plus qu’un loisir. Elle lui permet de gérer le stress d’un quotidien difficile. “Il se passe beaucoup de choses dans ma communauté, et la capoeira a toujours été une thérapie pour moi”, confie-t-il. À ses yeux comme à ceux de nombreux pratiquants, cette discipline offre une échappatoire à la violence et à la pression sociale. Beckham Otieno, un autre capoeiriste, y voit une source de force et de discipline : “Cela m’a permis de me protéger. Dans la rue, je sais comment réagir.”
Un héritage culturel reconnu mondialement
Longtemps criminalisée au Brésil pour ses liens supposés avec les milieux marginaux, la capoeira a été réhabilitée dans les années 1930. Elle est aujourd’hui inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2014. Elle est une “discussion du corps”, une manière d’exister et de s’exprimer face à l’oppression. Le centre de Kibera s’inscrit pleinement dans cette dynamique, en promouvant une capoeira inclusive, éducative et enracinée dans la culture africaine.
Alors que la capoeira continue de prospérer au Brésil, c’est désormais en Afrique qu’elle semble puiser une nouvelle force. À Kibera, elle transforme des vies, tisse des solidarités, et réaffirme la fierté d’un héritage longtemps éclipsé. Dans un monde en quête de repères culturels et identitaires, la capoeira incarne un retour aux sources pour mieux inventer l’avenir.