L’Aigle ibérique reconquiert ses territoires historiques au Maroc


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Aigle royal ibérique
Aigle royal ibérique

Le majestueux rapace, autrefois disparu des cieux marocains, fait son grand retour après des décennies d’absence. Un succès emblématique pour la conservation transfrontalière en Méditerranée.

Le retour tant attendu de l’Aigle royal ibérique (Aquila adalberti) au Maroc suscite un vif enthousiasme parmi les ornithologues et les amoureux de la nature. Cette renaissance de l’espèce au-delà du détroit de Gibraltar illustre la capacité de l’action concertée à inverser le déclin des populations sauvages.

Une disparition dramatiquement récente

Autrefois nichant dans les forêts montagneuses du Rif et des versants de l’Atlas, l’Aigle royal ibérique avait disparu du Maroc au cours de la seconde moitié du XXᵉ siècle. Les persécutions directes (tirs, empoisonnements), conjuguées à la raréfaction de son gibier favori – le lapin de garenne décimé par la myxomatose – et aux électrocutions sur les lignes à haute tension, ont conduit à la quasi-extinction de l’espèce hors de la péninsule Ibérique.

En 1974, on ne dénombrait plus qu’une quarantaine de couples dans le sud-ouest espagnol, et le Maroc n’en comptait plus aucun, comme le rapporte Ornithomedia.com.
Un véritable succès de la conservation européenne

Face à cette crise, l’Espagne et le Portugal ont lancé, à partir des années 1980, des programmes LIFE et des plans d’action régionaux coordonnés. Grâce à la protection juridique, à la réduction des lignes à haut risque et à la restauration de l’habitat, la population est remontée progressivement : plus de 820 couples aujourd’hui en Espagne et plus de 20 couples recensés au Portugal, où l’espèce était considérée éteinte dans les années 1980. Ce retour en force crée un « effet trombe » : les jeunes en quête de nouveaux territoires, franchissent désormais régulièrement le détroit.

Premiers indices d’une renaissance marocaine

Depuis quelques années, de jeunes aigles ibériques sont observés de façon plus régulière au Maroc. En 2017 déjà, au moins quatre jeunes équipés de balises GPS ont hiverné dans la région de Guelmim et des plateaux du Sahara atlantique, comme le confirme MaghrebOrnitho. Plus récemment, un rapace blessé, doté d’une bague et d’un émetteur espagnols, a été recueilli près d’Agadir et confié au Centre national de soins pour oiseaux blessés, avant d’être remis en liberté après réhabilitation. Ces observations, ponctuelles mais de plus en plus nombreuses, attestent d’un véritable « voyage exploratoire » qui pourrait déboucher sur une installation durable.

Enjeux et défis pour la recolonisation

Pour espérer voir l’Aigle royal ibérique se réimplanter de façon pérenne au Maroc, plusieurs conditions sont nécessaires. La protection et la restauration de l’habitat s’avèrent cruciales, notamment par le maintien des zones forestières et des prairies claires pour la chasse, ainsi que la protection des grands arbres favorables à la nidification. La réduction des menaces non naturelles constitue également un pilier fondamental, à travers la poursuite des efforts pour rendre les lignes électriques « rapace-friendly » (isolation des supports), et une lutte intensive contre le braconnage et l’empoisonnement. Enfin, le suivi scientifique et la coopération transfrontalière doivent être renforcés, avec des échanges réguliers de données GPS entre partenaires marocains et ibériques, la réalisation d’inventaires nationaux des rapaces rupicoles et la mise en place d’un Atlas des oiseaux de proie.

Le Maroc, riche de ses paysages variés et de ses traditions de fauconnerie, a toutes les chances de voir renaître sur ses falaises et collines ce roi des airs.

Zainab Musa
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Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
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