L’agriculture « largement ignorée » dans les discussions sur le climat


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Un situation de sécheresse
Sécheresse (illustration)

L’agriculture risque d’être absente des accords finaux signés lors de la conférence majeure sur le climat qui aura lieu à Copenhague en décembre, selon un important négociateur. Michael Zammit-Cutajar, qui préside le groupe de travail sur le financement des mesures d’adaptation pour les pays en développement, a dit que l’agriculture était « mentionnée » dans le texte de travail, mais qu’elle ne ferait pas l’objet de plus d’attention.

« Il y a un commentaire dans le texte. C’est plus une mention signalant que c’est important, mais qu’il n’est pas utile de le développer davantage », a dit M. Zammit-Cutajar à IRIN à Bangkok, président du Groupe de travail sur l’action concerté à long terme (Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action) dans le cadre de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

« C’est à chaque pays de décider de ce qu’il veut faire avec son propre secteur agricole », a-t-il dit.

L’autre groupe de travail du CCNUCC s’occupe de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Cependant, M. Zammit-Cutajar a laissé entendre qu’une proposition de l’Union européenne (UE) sur les crédits carbone par secteur pourrait être développée après Copenhague – ce qui pourrait permettre à des fermiers des pays en développement de gagner de l’argent tout en réduisant également les émissions de gaz à effet de serre de leur exploitation.

« L’UE a une proposition pour le crédit carbone par secteur. Il pourrait y avoir un accord à Copenhague [disant] que c’est une bonne chose et que nous devrions le développer », a-t-il dit.

La Banque Asiatique de développement (BAD) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont toutes deux fait pression cette semaine pour que l’agriculture soit davantage présente dans tout accord conclu à Copenhague.

Les négociations ont été organisées à Bangkok entre les délégués des pays pour réduire à une cinquantaine de pages grandes lignes d’un accord, le texte initial en faisant plus de 200.

L’agriculture « cruciale »

Tout accord de la communauté internationale portant sur le changement climatique doit davantage se focaliser sur l’agriculture, tant afin d’assurer la sécurité alimentaire que pour réduire les émissions, a dit cette semaine Mark Rosegrant, directeur de la division de l’environnement et des technologies de production à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).

« Nous devons faire rentrer l’agriculture dans les négociations… à Copenhague afin qu’elle ait un meilleur accès aux financements pour l’adaptation et un rôle à jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre », a dit M. Rosegrant.

« Nous devons développer un accès approprié et simplifié au crédit carbone pour les petits fermiers et les producteurs ruraux. C’est réalisable si nous arrivons à rendre l’agriculture plus importante dans l’accord de Copenhague », a-t-il estimé.

La FAO a également pesé dans le débat: « L’agriculture est restée une question largement marginale dans les négociations sur le changement climatique. L’adaptation du secteur agricole au changement climatique sera coûteuse mais essentielle pour la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et le maintien de l’écosystème ».

L’émission des gaz à effet de serre du secteur agricole représente 14 pour cent des émissions totales dans le monde, mais 70 pour cent du potentiel de la réduction de ces émissions se trouvent dans les pays en développement, a dit la FAO.

Une baisse des émissions dans l’agriculture rurale pourrait générer cinq milliards et demi de dollars pour d’autres investissements en Asie si des communautés obtenaient un accès au crédit carbone, ce qui pourrait rapporter de l’argent pour les réductions d’émissions à hauteur d’environ 20 dollars par tonne de dioxyde de carbone, a dit M. Rosegrant.

Menace alimentaire

En même temps, il faudrait cinq milliards de dollars supplémentaires par an pour aider les fermiers en Asie à s’adapter au changement climatique, a-t-il dit, ou alors la production d’aliments de base pourrait chuter de 40 pour cent en Asie, avec des prix pouvant doubler.

Les gens pauvres, dans les pays d’Asie du sud et d’Afrique subsaharienne, là où les prix des denrées alimentaires représentent déjà jusqu’à 50-60 pour cent des revenus, seraient les plus durement touchés, avec 11 millions d’enfants supplémentaires souffrant de la faim en Asie, 10 millions en Afrique et quatre millions dans le reste du monde, selon l’IFPRI.

« Le monde développé doit mettre plus d’argent là bas et l’ASEAN [Association des nations de l’Asie du Sud-est] et la SAARC [Association sud-asiatique pour la coopération régionale] doivent jouer un rôle plus important dans le changement climatique. Elles peuvent le faire, mais je ne suis pas sûr qu’elles le feront », a dit M. Rosegrant.

En Asie du sud, les investissements dans les infrastructures rurales sont en baisse depuis 20 ans, selon Kelly Dent du groupe de justice économique d’Oxfam.

« On leur a permis de baisser de façon significative. Il y a un lien direct entre cela et le statut de l’Asie du sud comme région du monde présentant le plus d’inégalité au niveau du genre. Beaucoup de femmes font de l’agriculture de subsistance et ne bénéficient pas de l’argent affecté au développement du commerce agricole », a-t-elle dit.

Source Irin

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