
Conflits interminables, inondations records et sécheresses sévères : le Global Report on Internal Displacement 2025 dresse le sombre bilan de 38,8 millions de personnes toujours déracinées à l’intérieur du continent, soit près d’un Africain sur trente.
Jamais l’Afrique n’avait compté autant de déplacés internes. Selon le Global Report on Internal Displacement 2025 de l’IDMC, le continent abrite à lui seul 38,8 millions de personnes contraintes de fuir leur foyer sans franchir de frontière – soit près de la moitié des déplacés de la planète. Conflits persistants, inondations records ou cyclones dévastateurs : tour d’horizon des épicentres d’un phénomène en pleine accélération.
En 2024, six pays concentrent l’essentiel du drame : le Soudan (11,6 M), la RDC (6,2 M), le Nigeria (3,7 M), la Somalie (3,1 M), l’Éthiopie (2,4 M) et le Tchad (1,2 M). Ensemble, ils représentent plus de 75 % des déplacés internes africains. Derrière ces chiffres se cachent des familles qui fuient plusieurs fois — parfois la même année — alternant entre le feu des armes et la montée des eaux.
Soudan : l’épicentre mondial
Au lendemain d’une année de guerre totale entre l’armée et les Forces de soutien rapide, le Soudan détient un triste record : 11,6 millions de déplacés internes au 31 décembre 2024, le chiffre le plus élevé jamais enregistré pour un seul pays. Rien qu’en 2024, 3,8 millions de nouvelles fuites ont été comptabilisées. Les combats ont gagné les greniers du pays, provoqué des famines dans les camps et entravé l’acheminement de l’aide ; 97 % des déplacés vivent désormais dans des zones d’insécurité alimentaire aiguë.
RD Congo : guerre, crues et déplacements en rafale
À l’ouest du continent, la République démocratique du Congo illustre le cocktail « conflit + climat ». Les offensives des groupes armés dans les provinces orientales ont généré 5,3 millions de mouvements en 2024 ; 93 % dans le seul Nord-Kivu. En parallèle, des crues historiques du fleuve Congo ont entraîné 750 000 déplacements supplémentaires et submergé la capitale Kinshasa. Résultat : plus de 6,2 millions de Congolais vivaient encore en exil intérieur fin 2024.
Tchad : le débordement du siècle
Pays le plus vulnérable au changement climatique, le Tchad a essuyé les pires inondations de son histoire récente. Entre août et novembre 2024, 1,3 million de personnes ont dû fuir les eaux dans 23 provinces, dont la capitale N’Djamena. Les champs noyés (1,9 million d’hectares) ont annihilé les récoltes et plongé les familles dans une crise alimentaire durable. À la fin de l’année, près de 1,2 million de Tchadiens restaient déplacés.
Nigeria : quand la digue rompt à Maiduguri
Chez le géant ouest-africain, le conflit avec Boko Haram continue de chasser les civils – 295 000 nouveaux déplacements en 2024 – mais c’est l’eau qui a fait déborder les camps. L’effondrement du barrage d’Alau a submergé 40 % de Maiduguri, entraînant 121 000 déplacés supplémentaires, souvent déjà réfugiés dans la ville.
Sur l’ensemble du pays, les crues ont provoqué 1,25 million de mouvements en 2024. Au total, 3,7 millions de Nigérians demeurent déracinés.
Somalie & Éthiopie : la résistance sous perfusion
Dans la Corne de l’Afrique, la Somalie et l’Éthiopie enregistrent respectivement 3,9 millions et 3,1 millions de déplacés (conflit et catastrophes confondus). Si les affrontements avec Al-Shabab reculent légèrement, les sécheresses puis les inondations freinent tout retour : plus de 733 000 Somaliens et 757 000 Éthiopiens restaient déplacés suite à des aléas climatiques fin 2024
Un enjeu continental, des réponses encore locales
L’IDMC souligne que 23 nations africaines cumulent aujourd’hui déplacements liés aux conflits et aux catastrophes naturelles, un chiffre qui a triplé en quinze ans
Si certains gouvernements se dotent de stratégies nationales – du “Borno Model” au Nigeria à la loi tchadienne sur les déplacés, l’ampleur des besoins dépasse de loin les financements disponibles.
« L’aide humanitaire n’est plus qu’un pansement », prévient le rapport, appelant à lier prévention des conflits, adaptation climatique et solutions de développement pour inverser la tendance.