L’Afrique au cœur des enjeux du développement durable


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Le 6e Forum mondial du développement durable à élu domicile a Brazzaville, la capitale du Congo, du 27 au 30 octobre. C’est la première fois qu’il se déroule sur le continent africain. Plus de cinq cents personnalités et responsables du monde politique, économique, éducatif et associatif de la planète sont présents, afin de débattre des moyens de mettre en œuvre un développement qui respecte l’environnement et ses équilibres. Henri Djombo, ministre de l’Economie forestière la République du Congo, est l’une des chevilles ouvrières de ce Forum. Il nous en a expliqué les enjeux.

Notre envoyé spécial à Brazzaville

La Conférence des Nations unies sur l’Environnement (CNUCED), tenue à Rio en 1992, a défini les principes fondamentaux et le programme d’action permettant d’assurer un développement durable. Onze ans plus tard, le Forum mondial du développement durable a été créé par la revue française Passages et son fondateur, Emile H. Nalet, afin de réunir des décideurs, des acteurs, déterminés à réfléchir et à œuvrer afin que ces principes soient mis en oeuvre. Cette année, le Forum est organisé à Brazzaville, sous l’égide du président de la République du Congo, Henri Sassou N’Guesso, et le concours du ministère français des Affaires étrangères. Il alterne des sessions plénières et des ateliers où sont abordés les thèmes de la valorisation économique des biens naturels, du financement des infrastructures fondatrices du développement durable, de l’inégale diffusion de la science et des technologies et des problèmes liés à l’éducation, la santé et la formation, de l’agriculture et de la filière agro-alimentaire, et de la gouvernance. Le Forum innove cette année en rassemblant les représentants des espaces géographiques régionaux du continent africain, particulièrement touché par les effets néfastes de la mondialisation, de la crise alimentaire et du changement climatique. Dans son discours d’ouverture, lundi, Jean Ping, le président de l’Union africaine a formé le vœu qu’« un pas décisif » soit fait à l’issue de ce Forum. Une espérance que partage Henri Djombo, ministre de l’Economie forestière du Congo.

Afrik.com : C’est la première fois que le Forum mondial du développement durable se tient en Afrique. Pourquoi le Congo a-t-il été choisi ?

Henri Djombo :
La personne du président Denis Sassou N’Guesso a beaucoup compté. Il était l’invité d’honneur du dernier forum à Paris. Les organisateurs lui ont demandé si l’événement pouvait se dérouler à Brazzaville. Il a répondu oui, mais à condition que l’on parle du développement durable en Afrique, et que l’on propose des solutions idoines. Car il faut être en Afrique pour voir ce qu’est la pauvreté, pour voir, au Congo par exemple, que dix ans après la fin de la guerre, des maisons sont toujours béantes, des routes sont toujours coupées, pour voir que les infrastructures, les bases du développement durable ne sont pas établies. En fait, il fallait que cette conférence se passe à Brazzaville pour qu’on ouvre les yeux sur les enjeux du développement durable et qu’on agisse enfin pour atteindre ces objectifs.

Afrik.com : Il semble difficile d’établir les bases d’un développement durable en Afrique, et au Congo en particulier, un pays qui regorge pourtant de richesses…

Henri Djombo :
Je ne peux pas dire que le Congo n’est pas riche. Les revenus tirés du bois et des minerais solides et liquides servent l’Etat, mais aussi à développer les écoles, les routes, les infrastructures de santé… Mais il faut que cela soit durable, c’est-à-dire répétitif, pour un développement autocentré et autodynamique. Il reste encore beaucoup d’efforts à faire en la matière.

Afrik.com : Que représente le développement durable pour un Africain ?

Henri Djombo :
Ce n’est pas la même chose que pour les pays du Nord. C’est différent également en fonction du pays africain où l’on se trouve. Si l’on prend l’exemple de la forêt : en Afrique de l’Ouest où il n’y en a presque plus, la réponse n’est pas la même qu’en Afrique centrale. Le développement durable, c’est un processus de gestion des biens naturels qui permet à la population d’aujourd’hui et de demain de satisfaire ses besoins. Au Congo, la principale ressource, c’est la forêt. Le développement durable passe par la mise en place de mécanismes d’aménagements forestiers qui font de la forêt une activité pérenne pour une ressource pérenne. De même pour la faune, où il y a nécessité de ne pas épuiser les ressources. Le tourisme doit aussi permettre la valorisation de ces richesses. Mais il ne faut pas oublier que la faune est une source d’alimentation pour une grande partie de la population qui mange de la viande de brousse. Donc, il faut organiser la chasse de façon à punir ceux qui n’ont pas le droit de chasser. De plus, il faut que les chasseurs ne tirent que sur les plus gros spécimens. Les pygmées, par exemple, ne tirent jamais sur un petit ou une femelle en gestation. Ils n’ont pas attendu une campagne de sensibilisation pour agir de cette façon. Les paysans, qui sont de vrais chasseurs, se conduisent pareillement… Il faut faire en sorte que la forêt soit toujours une source de nourriture, d’emplois, de revenus garantis pour eux et leurs descendants. Ca, c’est le problème vu à une petite échelle. Mais prenons-le au niveau national : regardez autour de Brazzaville, l’utilisation effrénée de bois-énergie. Elle entraîne l’érosion et la dégradation de l’environnement, donc la nécessité de planter des arbres. Nous avons développé le clonage des arbres, à partir d’une technique mise au point au Congo, en 1975, sur l’eucalyptus – une technique qui a été reprise par la suite partout dans le monde. Il faut mettre en œuvre des projets pour regarnir la forêt et s’assurer une forêt durable. C’est ainsi qu’on atteint les objectifs du développement durable. Il faut développer des écoles, améliorer la gestion de l’eau, développer des emplois, économiser l’énergie…

Afrik.com : Il semble y avoir un certain consensus, au niveau international, sur la nécessité de favoriser le développement durable. Les pays riches se sont engagés à plusieurs reprises à aider les initiatives allant dans ce sens. Pensez-vous que ces promesses pourront être tenues en dépit de la crise financière ?

Henri Djombo :
En 2002, lors du sommet de Johannesbourg, les grandes puissances ont fait des annonces en faveur du développement durable, mais les promesses n’ont pas été traduites dans les faits alors que les ressources nécessaires étaient disponibles. Au moment où elles avaient beaucoup d’argent, elles n’ont pas été sensibles aux problématiques de développement. La crise financière sera un nouveau prétexte pour ne pas aider le développement durable. La crise servira plus que jamais de justification à l’égoïsme dont font preuve les nantis à l’égard de la planète. Même ceux qui s’étaient engagés sur la réduction des gaz à effet de serre vont reculer, les banques qui étaient prêtes à financer différents projets également. Les effets de la crise se font déjà sentir en Afrique. Depuis huit mois, le commerce du bois connaît de grosses difficultés. C’était un signe avant-coureur. La chute du dollar et la hausse du prix du pétrole font qu’on ne peut plus vendre aux Etats-Unis. Cela a de graves répercussions dans nos pays où les licenciements se multiplient, en d’autres termes le factuel peut gêner le durable.

Afrik.com : Qu’attendez-vous du 6e Forum mondial du développement durable ? Espérez-vous obtenir des fonds de la communauté internationale ?

Henri Djombo :
Nous essayons de discuter avec la communauté internationale pour qu’elle voit les efforts fournis et les progrès accomplis. Mais nous n’organisons pas le Forum pour avoir des retombées financières de qui que ce soit. Nous voudrions bâtir des solutions écologiques, sociologiques et humaines fiables. Nous voulons des résolutions fortes qui vont se traduire en actes. D’où l’organisation du travail en atelier pendant le forum, afin que des propositions concrètes en sortent.

Consulter :

 Le site du 6ème Forum mondial du développement durable

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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