L’adieu à Jean Hélène


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Jean Hélène, le correspondant de RFI à Abidjan, a été assassiné par un policier ivoirien, mardi soir, alors qu’il faisait tout simplement son métier. Alors que les circonstances exactes de sa mort ne sont pas encore connues, ses collègues oscillent entre tristesse et colère. Le monde des médias dans son ensemble rend hommage à la mémoire d’un journaliste exemplaire.

RFI est sous le choc. La radio française basée à Paris est en deuil après l’annonce de la mort, mardi soir en Côte d’Ivoire, de l’un de ses journalistes les plus réputés, Jean Hélène. Les bulletins d’information de ce mercredi matin étaient teintés de « tristesse » mais aussi de « colère ». Les journalistes ont accompli leur travail la gorge serrée et la voix pleine d’émotion. Au sein de la rédaction, c’est l’abattement et la stupeur qui dominent. Jean Hélène, envoyé spécial permanent à Abidjan depuis plusieurs mois, a été assassiné de deux balles tirées par un policier et qui l’ont atteint à la nuque.

La scène s’est déroulée devant le siège de la direction générale de la police nationale, au centre d’Abidjan. Jean Hélène y attendait la sortie des onze membres du Rassemblement des Républicains (RDR), détenus depuis plusieurs jours et dont la libération venait d’être annoncée. Jean Hélène ne faisait que son travail. Qui est son meurtrier ? Quels sont les motifs du crime ? Pas de réponse de la part du ministère de la Sécurité qui refuse pour le moment de donner des informations précises. Le gendarme présumé auteur des coups de feu a été immédiatement mis aux arrêts et interrogé pendant une partie de la nuit. Selon le ministre de la Sécurité, Martin Bléou, cet homme serait un « sergent, commis pour la surveillance de la direction générale de la police ».

Un type bien

Espérons du moins que le défilé des autorités policières, politiques et diplomatiques (jusqu’à la présence du Président Laurent Gbagbo) sur le lieu du crime mènera à quelque chose. Le Président français Jacques Chirac, faisant part de son émotion, a d’ailleurs demandé aux autorités ivoiriennes de faire « toute la lumière sur cet assassinat qui doit faire l’objet d’une enquête diligente et immédiate ». En signe de deuil, les émissions de RFI ont été remplacées dans la nuit par de la musique classique et une opération spéciale de la radio prévue à Dakar à été interrompue.

Né en 1953 à Mulhouse (Alsace, est de la France), Jean Hélène, de son vrai nom Christian Baldensberger, sillonnait le continent depuis 1988 pour le compte de RFI. D’abord correspondant à Nairobi, au Kenya, puis à Libreville, au Gabon, il a couvert le Rwanda, le Burundi, l’Ethiopie, la Somalie ou encore le Soudan. A Libreville, où il a passé deux ans, les gens sont « outrés » par sa mort, précise Bernard Nageotte, le correspondant de RFI dans la capitale gabonaise. Aujourd’hui, ses collègues de la radio saluent en chœur son « professionnalisme, sa modestie, sa gentillesse et son humilité ». Cet homme de terrain qui aimait la nature sauvage de l’Afrique était un « type bien » indique le journaliste Christophe Champain.

Amoureux de l’Afrique

Jean Hélène avait assuré la direction du service Afrique entre 2001 et 2002, à la demande de Jean-Paul Cluzel, président directeur-général de RFI. « Il a accompli cette tâche d’une manière exemplaire », explique ce dernier. « C’est moi qui lui ait demandé de partir pour Abidjan car sa neutralité et sa rigueur me semblaient idéales pour couvrir les événements délicats de Côte d’Ivoire. Il y a peu, il m’avait demandé de regagner Libreville après sa mission en Côte d’Ivoire. Je le lui avais promis. Je ne vais malheureusement pas pouvoir tenir ma promesse », regrette Jean-Paul Cluzel, très ému. « Je garderai l’image de Jean, chez lui, dans sa petite maison de Libreville décorée par des centaines de masques africains. Car il aimait l’art africain. Il aimait les femmes africaines. Il aimait l’Afrique. »

Après le chagrin viennent les interrogations. Jean Hélène a-t-il été abattu parce qu’il était journaliste ? Parce qu’il était journaliste de RFI ? A-t-il été victime de la campagne de presse orchestrée par les médias d’Etat contre la radio française, accusée de soutenir les rebelles ? Cet assassinat, forcément lâche et qui a lieu en plein centre-ville, au vu et au su de tous, n’augure en tous cas rien de bon en ce qui concerne la sécurité dans la capitale ivoirienne.

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