Krys : une « Renaissance » avortée ?


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Neuf mois à peine après la sortie de « k-RYSmatik », son précédent disque, l’artiste antillais Krys revient avec un « street-album » intitulé Renaissance.

Véritable vedette dans son île d’origine –la Guadeloupe–, auto-proclamé « enfant terrible de la scène reggae-dance-hall », le jeune homme reste moins connu dans l’Hexagone où son seul fait d’arme est d’avoir été le centre d’une polémique orchestrée par l’animateur Cauet. Après cette volée de bois vert médiatique, il semble que Renaissance soit l’occasion pour Krys de remettre les (coups de) poings sur les i et de prouver qu’à défaut de plomb dans l’aile, il a du plomb dans la tête. La chasse est ouverte.

Démocratie à deux vitesses, immigration choisie, racisme des média…Le premier titre du disque, Sa kay pli lwen (ça va plus loin que ça), se veut un cri de révolte et de désillusion contre une France qui pencherait extrêmement à droite. Dans un texte qui met sur le même plan ses déboires personnels avec les média et le racisme anti-noirs, Krys tombe malheureusement dans la victimisation à outrance. Ça ne va pas plus loin que ça et ça ne vole pas non plus très haut, la majorité des textes du disque étant à l’avenant. Que faut-il comprendre de ces salves verbales qui ratent immanquablement leur cible ? Que Pedro Pirbakas (son nom à la ville) travaille pour ses semblables sur le sol hostile de la Gaule perfide et que s’attaquer à lui c’est s’attaquer à son peuple… On ne peut s’empêcher de sourire devant tant de naïveté. Où sont passés le second degré, le recul et la sagesse d’un Bob Marley, pourtant sainte référence de la scène dance-hall ? La réponse arrive avec la chanson Two commercial (trop commercial). Avec jubilation et ironie, Krys répond à ceux qui l’accusent d’avoir retourné sa veste depuis qu’il a signé au sein de la major Universal. Comment rester crédible aux yeux de la rue tout en cherchant à toucher un public plus large et plus blanc ? C’est l’équation que doivent résoudre la plupart des portes-drapeaux des musiques urbaines.

Pour l’auteur de Renaissance, cet exercice schizophrénique a donné comme résultat deux sorties d’album successives, le dernier étant clairement l’occasion de se rattraper aux branches après le ratage du précédent, initialement destiné à un jeune public hexagonal de plus en plus enclin à s’encanailler sur ces rythmes syncopés. Estampillé « street-album » (c’est-à-dire qu’il est censé être vendu uniquement dans la rue, crédibilité oblige) le disque trône pourtant fièrement dans tous les bacs des Virgin et Fnac de France. Il semble, décidemment, que l’artiste et sa maison de disque aient du mal à choisir leur camp. Et c’est dommage, car Renaissance a aussi des qualités : une vraie spontanéité, de l’énergie, un talent vocal remarquable. En multipliant les grands écarts, notamment verbaux, gageons que Krys soit encore suffisamment jeune et souple pour plier mais ne pas casser. Et rebondir à nouveau.

 Renaissance, Kickilla Record – Unity Records, 2007.

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 En concert le 6 avril au Zénith de Paris

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