Khady se raconte dans « Mutilée »


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Khady, une fervente combattante des pratiques traditionnelles néfastes, vient de publier Mutilée. Un livre vibrant et émouvant qui parle d’excision, de mariage arrangé, du poids de famille africaine au quotidien, mais aussi de la force de vivre. Malgré tout. Un témoignage qui vaut peut-être bien à lui seul un séminaire ou une conférence.

Khady. En la regardant, on ne voit une femme au regard espiègle, malicieux et irisé d’une pointe de tristesse. Quand on lui parle, on ressent sa détermination, sa gentillesse, son côté maternel. Et quand on lit son livre, on prend une claque. Comment imaginer que cette fervente combattante de l’excision et autres pratiques traditionnelles néfastes en ait tant bavé ? Mutilée, le nom du témoignage qu’elle a couché sur papier, est un récit des moments clés de la vie de cette belle Sénégalaise de 46 ans. Des moments accompagnés d’une violente douleur, physique et morale.

Une vie criblée de douleurs

Comme son excision, qui concerne chaque année 2 millions de fillettes et qu’elle a vécu à quelques minutes d’intervalle de certaines de ses cousines. Elle a sept ans lorsque trois femmes participent à sa « purification » en lui coupant le clitoris. Deux l’immobilisent pendant que l’exciseuse s’affaire avec une lame de rasoir. « Elle tire avec ses doigts, le plus possible, ce minuscule morceau de chair et coupe comme si elle tranchait un morceau de zébu. Malheureusement, il lui est impossible de le faire en un seul geste. Elle est obligée de scier. Les hurlements que j’ai poussés me résonnent encore aux oreilles. J’ai pleuré, crié ». Autres blessures : la mort de sa grand-mère Fouley qu’elle adorait et de l’une de ses sœurs. Et ce mariage arrangé. Khady qui rêvait d’un Prince charmant, s’est retrouvée avec un cousin germain qu’elle a plus tard rejoint en France et qui l’a violée plusieurs fois au cours de leur mariage.

Elle aura trois filles et un fils de cette union et perdra l’un de ses enfants dans un accident. La douleur la plongera dans une longue dépression, bien plus douloureuse que les violences de son mari et des coups bas de sa co-épouse. Un jour, à bout, elle est partie. Malgré les insistances de proches pour qu’elle revienne au foyer conjugal, Khady a divorcé de l’homme qui l’avait empêchée d’aller enterrer son père. Et là, c’est comme si une nouvelle vie lui tendait les bras. Khady a poursuivi avec de plus en plus de fermeté et d’implication son combat contre certaines pratiques traditionnelles, même si elle a laissé faire l’excision de sa petite dernière et que ses deux autres filles ont été « coupées » pendant qu’elle était hospitalisée après une troisième grossesse difficile. Mais tout est bien qui finit très bien…

Une sensibilité crue et intense

Mutilée raconte le parcours de cette lionne avec une sensibilité crue et intense. En lisant les lignes poignantes de Khady, on peut pleurer, crier ou se révolter. Et sourire aussi, parce que c’est ce qu’inspire son courage inébranlable. Le récit est détaillé, mais rythmé et dynamique. Si bien qu’on a à peine le temps de se rendre compte que la petite Khady insouciante du début est devenue à l’adolescence une femme avec des responsabilités. Volontaire ou non, cette narration franche laisse le sentiment que l’excision de Khady l’a propulsée dans le monde adulte, avec tout ce qu’il a de plus dur. Mais les coutumes qu’elle évoque, et qui ne sont pas toutes néfastes, sont replacées au fur et à mesure dans un contexte africain. Ce qui permet de mieux comprendre pourquoi l’excision perdure, en quoi consiste la tradition qui a voulu qu’elle épouse un cousin germain ou pourquoi elle est restée passive devant la « coupure » de ses filles. De quoi juger avec un œil plus africain qu’occidental.

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