Kenya : massacre inter-clans


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Selon un bilan provisoire, 66 personnes, en majorité des femmes et des enfants de la tribu des Gabras, ont trouvé la mort, mardi matin, dans le Nord du Kenya. Leur village a été attaqué par des hommes armés d’une tribu rivale, les Boranas. Cette région désertique est le lieu d’affrontements sanglants entre communautés pastorales pour l’accès à l’eau et à la terre.

Mardi matin, aux alentours de 7h, des hommes de la tribu des Boranas ont traversé la frontière avec l’Ethiopie et ont pénétré dans le village de Turbi, au Nord du Kenya, peuplé de Gabra, une tribu rivale. On ignore encore leur nombre mais certaines sources font état d’une centaines d’attaquants. Armés de kalachnikov, de machettes, de couteaux, d’arcs et de flèches, de grenades et de lances, il ont fondu sur deux quartiers et une école primaire. Tuant et blessant indistinctement les habitants, ils ont volé du bétail et se sont retirés du village en début d’après-midi.

Un bilan provisoire établi par les autorités fait état de 66 morts, dont 22 écoliers. La plupart des victimes seraient des femmes, surprise chez elles en pleine préparation du petit déjeuner, et des enfants, notamment un groupe qui se rendait à l’école. Des villageois témoins du drame et des rescapés racontent avoir vu les corps gisant dans les rues de l’agglomération devenue village-fantôme. Selon eux, le nombre des victimes serait au moins de 100… Quant à la Kenya News Agency, elle annonce 75 morts.

Vols de bétail

Des centaines de personnes seraient blessées et une vingtaine d’entre elles ont été transportées à l’hôpital le plus proche, celui du district de Marsabit, à 150 km. Plusieurs enfants, portant encore leur uniforme d’écolier, y sont soignés pour des blessures profondes par machette et des femmes pour blessures par balles. Le Daily Nation rapporte que les assaillants auraient volé 200 têtes de bétail, 300 chameaux et 5 000 moutons, selon les anciens du village. Les policiers et les militaires, appuyés par trois hélicoptères, qui se sont lancés mardi et mercredi à la poursuite des assaillants, près de la frontière éthiopienne, annoncent avoir récupéré « 50 000 chèvres et moutons, 10 têtes de bétail, 10 dromadaires et 4 singes ». Le responsable de district de Marsabit a donné un ultimatum d’une semaine pour la restitution des cheptels.

La police kenyane, accusée par les locaux de n’avoir pas su les protéger, rapporte avoir tué 10 assaillants. Cette région semi-aride, qui possède très peu de lignes téléphoniques, est complètement coupée du monde. Quelque 20 policiers, un effectif trop faible aux yeux des habitants de Turbi, ont été envoyés dès le matin dans la localité mais ils ont mis plusieurs heures avant de l’atteindre, à cause du très mauvais état des routes. Un témoin explique également que les assaillants ont bloqué les routes pour empêcher la police d’arriver.
Un hélicoptère a été envoyé dans l’après-midi.

Face à face avec la mort

La rivalité entre clans pour l’accès à l’eau et aux pâturages est une réalité dans la région et dégénère régulièrement en attaques sanglantes. Mais celle de Turbi est l’une des plus meurtrières ayant opposé des clans au Kenya. Selon James Galgalo, de la Commission catholique pour la justice et la paix, à Marsabit, cité par la BBC, les hommes de mardi « cherchaient à se venger d’attaques antérieures. Il y a des affrontements dans le coin depuis trois mois entre les Gabras et les Boranas. Il y a des massacres des deux côtés ».

La police locale a expliqué au Daily Nation que plus de 100 personnes ont trouvé la mort dans ces conflits inter-clans et inter-frontières depuis le début de l’année 2005, dans les districts de Marsabit et Moyale. Des hommes armés venant d’Ethiopie traversent régulièrement la frontière pour faire des raids sur des villages. Le 17 juin dernier, 4 personnes ont notamment trouvé la mort dans une bagarre entre deux communautés pastorales à Marsabit. « Lorsque je me suis rendu dans le district de Marsabit, le 18 juin, la tension était partout. Je me sentais comme en tête-à-tête avec la mort », se souvient un journaliste du Nation. « Le jour de mon arrivée, des assaillants avaient envahi le village de Bubisa et volé les stocks de nourriture. Un contingent de policiers armés avaient été repoussés par les assaillants qu’ils poursuivaient. On disait que les attaquants étaient des Gabra. Un chef et un policier ont été tués. »

Les Gabras et les Boranas, deux tribus pastorales, parlent la même langue, vivent ensemble, se marient entre eux et portent les mêmes patronymes… mais se battent pour l’eau et la terre. Dans le district de Marsabit, quatre groupes ethniques s’affrontent : les Gabras, les Boranas, les Rendilles et les Turkanas. Les Gabras, les Rendilles et les Turkanas s’affrontent à propos des points d’eau et des espaces de pâturages. Les Boranas et les Rendilles se volent régulièrement des têtes de bétail.

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