Kadhafi déjà fréquentable ?


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Colonel, Guide de la révolution ou encore chef de la Jamahiriya, Muammar Kadhafi s’est longtemps positionné en ennemi des Etats-Unis et de l’Europe. Depuis peu, il s’est mis à chercher une réhabilitation et aujourd’hui, Tony Blair se retrouve chez lui à Tripoli. Ce séjour est le premier d’un chef de gouvernement britannique depuis 53 ans, date de l’indépendance de la Libye.

Tony Blair à Tripoli. On a peine à le croire et pourtant c’est vrai. Fini les différends, fini les dissensions, place aux embrassades chaleureuses. Le Premier ministre britannique explique sa visite par l’aide à apporter aux pays qui veulent sortir des actes de terreur. Mais les vraies raisons de ce voyage historique d’un chef de gouvernement britannique en Libye seraient peut-être ailleurs.

Souvenons-nous, au départ, Kadhafi c’était ça :

Décembre 1988, attentat contre le Boeing 747 de la Pan-Am au-dessus du village écossais de Lockerbie. Bilan : 270 morts. La patte de Muammar Kadhafi apparaît. 19 septembre 1989, un DC 10 d’UTA survolant le Ténéré, au Niger, est abattu. Bilan : 170 passagers morts. Le même responsable.

Mais depuis peu, Kadhafi c’est ça :

Août 2000 : pour se refaire une santé sur la scène internationale, le chef de la Jamahiriya arabe s’implique dans une médiation qui aboutit à la libération de six touristes (trois Françaises, un Allemand et deux Sud-Africains) pris en otage par les rebelles musulmans du groupe Abu Sayyaf sur l’île de Jolo (Philippines).

19 décembre 2003, il annonce après des mois de négociations, le démantèlement, « sous contrôle international », de tous ses programmes secrets d’armement (chimique, biologique et nucléaire). Comme preuve de sa bonne foi, le Colonel Muammar Kadhafi ouvre ses installations aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et signe le protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire.

En août 2003, la Libye reconnaît sa responsabilité dans l’attentat de Lockerbie, par le dépôt officiel d’une lettre au conseil de sécurité de l’Onu. Responsabilité depuis assortie d’une indemnisation de 4 millions de dollars brut, (soit 1,5 million net après déduction des frais d’avocat, des impôts et taxes américaines) par victime que Tripoli a versé aux familles des victimes.

Les affaires reprennent

Le temps de la haine est-il déjà effacé ? Les blessures du passé sont-elles déjà toutes refermées? Il faut croire que oui. Ce jeudi, le Premier ministre britannique était à Tripoli, alors que la veille, il se trouvait à Madrid pour apporter son soutien au peuple meurtri par… le terrorisme. Pourtant, on connaît le soutien présumé de Muammar Kadhafi à cette violence. Aujourd’hui, Tony Blair explique son geste par un soutien à apporter à la Libye pour l’aider à sortir de son renoncement au terrorisme et à la fabrication des armes de destruction massive. Mais, on ne peut manquer de souligner, la signature, à l’issue de ce séjour, d’un contrat pour la compagnie pétrolière britannique Shell, qui porterait sur des « droits d’exploration gazière au large des côtes libyennes ». Cette transaction, dit-on dans l’entourage du Premier ministre, « s’élèvera à 200 millions de dollars » et pourrait par la suite atteindre « un milliards de dollars ». Eh oui, les hydrocarbures sont encore présents. Le pétrole et ses dérivées avec leurs millions de dollars générés chaque années par les compagnies d’exploitation précipiteront toujours les réconciliations.

Aznar = Blair ?

83 % des Espagnols étaient contre une participation de leur pays à la récente guerre contre l’Irak. Le 11 mars dernier, 911 jours après les attentats du 11 septembre à New-York, 200 innocents trouvaient la mort à Madrid à l’issue d’une attaque terroriste coordonnée. Trois jours plus tard, le parti de José Marie Aznar (au pouvoir) était sanctionné par le verdict des urnes. Blair se retrouve, jusque-là, dans la même situation que son homologue espagnol. Il est allé en Irak contre l’avis de son peuple, et au printemps 2005, il doit probablement convoquer ces mêmes élections législatives dans son pays. On peut aujourd’hui penser qu’il veut montrer son amour des pays arabes (qui tendrait à faire oublier, en Orient et au Maghreb, sa participation à la guerre contre l’Irak ) en se rapprochant de la Libye, pour ne pas subir aussi (certainement), les foudres vengeresses des actes récriminateurs du 11 mars dernier.

Malgré tout, ce rapprochement arrange les deux partis : la Grande-Bretagne, pour éviter des actes terroristes sur son sol et rapporter de nouveaux contrats, la Libye, pour sortir d’un embargo dont l’étreinte punitive se transformait inexorablement en asphyxie. Les intérêts politico-économiques finissent par triompher de tout.

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