JO de Pékin: « Ce sont les politiciens qui doivent prendre leurs responsabilités, pas les sportifs. »


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Après le parcours chaotique de la flamme olympique à Paris auquel il a participé lundi, Enoch Effah reste marqué par l’attitude des organisateurs chinois et des manifestants anti-chinois. Mais il ne souhaite pas le boycott des Jeux Olympiques par les athlètes. L’actuel champion du monde poids lourd de boxe française et relayeur de la flamme s’est confié à Afrik.com.

Enochflamme3.jpgAprès Londres dimanche, c’était au tour de Paris d’accueillir la flamme olympique. Ce devait être un beau moment de sport. Mais son parcours a été ponctué de nombreux incidents. Alors que 3000 policiers ont été mobilisés à cette occasion, il a été écourté pour des raisons de sécurité. Du jamais vu! Malgré l’important dispositif policier, les 28 kms se sont vite transformés en chemin de croix. La flamme s’est même éteinte pendant une vingtaine de minutes, « pour des raisons techniques » selon les organisateurs. Enoch Effah, 23 ans, originaire du Ghana, a fait partie des 80 relayeurs français de la flamme. Il revient sur cette folle journée et explique sa position sur les Jeux de Pékin en août prochain.

Afrik.com : Vous avez fait partie des nombreux athlètes qui ont participé au parcours de la flamme olympique hier à Paris. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Enoch Effah:
J’étais fier qu’on ait fait appel à moi, à l’athlète et au personnage que je suis devenu, surtout depuis ma victoire aux derniers championnats du monde en 2007. Mais on était scandalisé par l’incompréhension générale. Notamment dans les moments où on s’est fait craché dessus par de nombreux manifestants. Scandalisé aussi par la pression des Chinois pour enlever notre badge [ndlr : sur lequel était inscrit Pour un monde meilleur]. Les organisateurs chinois étaient très dirigistes. Ils faisaient tout et annulaient certains parcours comme celui prévu à l’Hôtel de Ville. David Douillet [ndlr : président de la Commission des athlètes au Comité olympique français] était aussi remonté contre ces façons de faire. On était là pour hisser notre pays au plus haut et au lieu de ça, les sportifs se sont retrouvés au centre d’un jeu politique.

Afrik.com : Certains médias ont qualifié ce parcours de fiasco. Pensez-vous la même chose ?

Enoch Effah:
Forcément, ce n’était pas ce à quoi on s’attendait. On est resté un bon moment dans le bus alors que des personnes s’étaient aussi déplacées pour nous applaudir. C’est dommage. Malgré tout, la flamme a eu raison de passer par Paris. D’autre part, je suis aussi pour que les gens se mobilisent pour des causes. Maintenant, je ne veux pas qu’on se serve des athlètes et du sport dans ce but. D’autant plus que le sport est fait pour rassembler les peuples et non les diviser comme la politique le fait.

Afrik.com : Que pensez-vous de la Chine en matière des droits de l’homme ? Quelle est votre position sur la question tibétaine ?

Enoch Effah:
Je pense que les Chinois ont des efforts à faire à ce sujet. La Chine fait partie des pays que l’on pointe du doigt pour ses manquements aux droits de l’homme. Mais il faut d’abord s’occuper des problèmes que l’on a en France, comme ceux des banlieues. On parle plus de la situation au Tibet aujourd’hui que des banlieues qui sont un véritable problème ici, entre autres choses. Ce n’est pas aux athlètes de prendre position mais aux hommes politiques de le faire.

Afrik.com : Des sportifs français, dont Muriel Hurtis et Christine Arron, ont signé un appel sous forme de lettre ouverte dénonçant les violations des droits de l’Homme commises par la Chine. Avez-vous signé cette pétition ?

Enoch Effah:
Je n’étais pas au courant de cette pétition. Je ne fais pas partie des athlètes sollicités. En tous cas, j’espère que les sportifs qui ont signé se sont bien renseignés sur la situation en Chine. La question n’est apparue sur la scène médiatique que récemment. Mes connaissances sur ce sujet ne sont pas très développées de même que beaucoup de manifestants. N’oublions pas qu’il y a plein d’autres causes qui ne sont pas entendues et qui méritent aussi de l’être.

Afrik.com : Etes-vous pour ou contre le boycott des JO de Pékin, ne serait-ce que celui de la cérémonie d’ouverture le 8 août prochain ?

Enoch Effah:
Par les politiciens, oui. Jusque là, aucune équipe sportive ne s’est faite agressée par une autre. Ce n’est donc pas un problème sportif mais bien un problème politique. Nous, athlètes, venons dans le cadre d’un évènement sportif. D’autant plus que beaucoup se sont préparés pendant des années pour un tel évènement. Je ne pense pas qu’un boycott puisse se faire et je suis contre le boycott par les sportifs. Mais plutôt pour celui des hommes politiques. Ce sont les politiciens qui doivent prendre leurs responsabilités. Ils connaissent les pays mieux que quiconque. Ce sont eux qui signent des contrats de plusieurs milliards d’euros avec la Chine. Pas les sportifs.

Afrik.com : Trouvez-vous finalement que les Jeux Olympiques n’ont été qu’une plateforme qui a servi à parler de la cause tibétaine ?

Enoch Effah:
La vraie question est de savoir quel sera l’avenir des Tibétains après les JO. Est-ce qu’on va les abandonner à leur sort comme ont été oublié les Rwandais et les Tchétchènes ou pas ? C’est aberrant de voir la surmédiatisation qu’il y a autour de cette question à ce moment précis. Si c’est pour les aider sur du long-terme, c’est bien d’en parler. Si ce n’est qu’un jeu médiatique et un moyen de faire vendre du « Tibet », je suis contre cette surmédiatisation. Je le répète : il n’y a rien de négatif qu’on se mobilise sur des questions politiques. Mais je ne veux pas qu’on se serve des JO pour des causes politiques.

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