Je suis une artiste comme les autres


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Fragile, pudique, sensible, Pierrette Adams souffre d’un ostracisme frustrant de la part du monde artistique africain. A l’occasion de la sortie de son cinquième album,  » Anesthésie « , elle nous confie les dessous d’une oeuvre musicale enfantée dans la douleur et le travail.

Qu’est ce qui fait une bonne artiste ? Son mari ? Ses ventes d’albums ? Sa médiatisation ? Ou tout simplement le talent et avant tout le travail. Poussée dans ses ultimes retranchements par un arrangeur perfectionniste et doué, Pierrette Adams présente, avec Anesthésie, le cinquième volet d’une carrière musicale débutée en 1996. Sous la houlette de Boncana Maïga (également arrangeur d’Africando), l’ancienne hôtesse de l’air d’Air Afrique a troqué son uniforme contre un micro et une carrière internationale. L’enfant de Pointe-Noire (Congo), qui vit aujourd’hui en Côte d’Ivoire, regrette qu’on ne la considère pas, dans le milieu, comme une artiste à part entière.

Afrik : Quelle(s) difficulté(s) rencontrez-vous en tant qu’artiste en Afrique ?

Pierrette Adams : La grosse difficulté, du moins ma grosse frustration, est que dans le milieu artistique, on me donne une place qui n’est pas la mienne. C’est à dire l’artiste qui n’a pas besoin de gagner sa vie (son mari est directeur-général Afrique de l’Ouest d’une grande marque de tabac, ndlr). Je suis un peu mise à l’écart. J’aimerais tout simplement être logée à la même enseigne que tout le monde.

Afrik : Comment travaillez-vous ?

Pierrette Adams : J’ai mon orchestre, Les Katerpilas, qui m’accompagne depuis le troisième album. Il y a aussi Boncana Maïga avec qui je travaille depuis le premier album, Journal Intime. Et j’ai toujours travaillé avec plusieurs compositeurs (Koffi Olomidé et Meiway ont déjà écrit pour elle, ndlr). Eric Virgal est là depuis le troisième album, Bibi Den’s a également participé à l’album ainsi que Jean Mora. Pour ma part, j’ai écrit trois chansons sur cet album ( » Anesthésie « ,  » Tu vois  » et  » Pardonnez « , ndlr).

Afrik : Vous avez dédié une chanson à Boncana Maïga, qui a assuré tous les arrangements de votre album. Il a l’air extrêmement exigeant dans le travail. Un véritable tyran !

Pierrette Adams : Il est très exigeant. Mais je pense que le résultat est là. A la fin, on oublie toutes les douleurs et on se dit que cela valait la peine. Quand on a fini cet album il m’a dit :  » Ah Pierrette, cette fois-ci, tu n’as pas pleuré !  » Il est très perfectionniste. Il te dit  » Non ce n’est pas bien « . Quand il a pitié de toi il te dit  » Bon c’est bien mais… je pense que tu peux faire mieux « . Il vous pousse à l’extrême. On a l’impression que c’est par méchanceté mais il veut juste retirer le meilleur de vous.

Afrik : Préférez-vous le live ou le studio ?

Pierrette Adams : Avec le live, il y a une autre énergie sur scène, parce que tu travailles sans filet. Ce n’est pas comme en studio où l’on te dit  » Non c’est pas bon, on recommence, non c’est pas bon on recommence « . Sur scène on n’est plus la même personne. J’ai appris ça avec le temps et grâce aux conseils de Maestro (Boncana Maïga, ndlr). Tu fais abstraction du public, pour vivre chaque mot de ta chanson.

Afrik : L’album Anesthésie a nécessité combien de temps de travail ?

Pierrette Adams : Nous avons commencé la maquette en septembre dernier en Côte d’Ivoire. Nous sommes entrés en studio le 18. Le lendemain, c’était fini, nous ne pouvions plus rien faire à cause des événements dans le pays. Nous nous sommes arrêtés comme ça pendant deux à trois mois. Quand nous nous sommes rendus compte que nous ne pouvions plus travailler en Côte d’Ivoire, nous sommes allés à Dakar où nous avons fait les maquettes. Et nous sommes montés sur Paris pour finaliser l’album.

Afrik : Etes-vous de ces artistes, à l’image de Gadji Céli ou Tiken Jah en Côte d’Ivoire, qui politisent leurs textes ?

Pierrette Adams : Pas du tout. Car il n’y a que les politiciens qui comprennent ce qu’ils font. Personnellement, je n’y comprends rien. Ils nous disent ce qu’ils veulent bien nous dire. Qui doit-on croire ? Nous, en Côte d’Ivoire, tout ce que nous demandons c’est de vivre tranquilles.

Afrik : Quand on regarde les titres de vos albums, Mal de mère, Journal intime, Je vous salue maris, et maintenant Anesthésie, du nom d’une chanson où vous mettez en garde les femmes contre les hommes, vous avez l’air d’avoir beaucoup souffert à cause de la gent masculine…

Pierrette Adams : Je parle de choses réelles. Tellement réelles que beaucoup de gens se reconnaissent dans ce que je dis. Tout simplement parce que c’est malheureusement notre quotidien, c’est ce que l’on vit. On souffre toutes à cause des hommes. La majorité des femmes reçoivent pas mal de coups venant des hommes.

Afrik : Ce n’est pas gentil pour votre mari…

Pierrette Adams : Mon mari est lui aussi un homme…

Afrik : Quel est votre rêve d’artiste ?

Pierrette Adams : J’aimerais pouvoir dire  » j’ai fait l’Olympia « . Je trouve que c’est une salle mythique. Avant d’aller plus loin, il faut passer par là.

Afrik : Vous vivez et vous travaillez depuis longtemps en Côte d’Ivoire. Comment les Congolais vous considèrent-ils aujourd’hui ?

Pierrette Adams : Comme une enfant du pays. Tout le monde sait que je suis partie en Côte d’Ivoire pour travailler en tant qu’hôtesse de l’air pour Air Afrique. Je n’ai pas quitté le Congo pour faire de la musique en Côte d’Ivoire.

Pierrette Adams, Anesthésie, distib. Atoll, 2003. Pour acheter le disque.

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