Insécurité : l’amer goût de la révolution libyenne


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Un an après la révolution, la Libye vit toujours dans l’insécurité. Le Conseil national de transition (CNT) peine à fédérer les milices, notamment pour les intégrer dans la nouvelle armée. La chute de Mouammar Kadhafi a aussi eu un impact considérable dans la région sahélo-saharienne. De nombreux soldats, qui combattaient pour son régime, sont rentrés dans leur pays d’origine : Mali, Burkina Faso et Niger. Les autorités maliennes les accusent d’avoir relancé la rébellion touareg portée par le Mouvement national de libération de l’Azawad.

La Libye a célèbré ce 17 février le premier anniversaire de la révolution qui a conduit à la chute de Mouammar Kadhafi dans un climat d’insécurité. Une grande partie des anciens combattants de la rébellion refuse de déposer leurs armes pour intégrer la nouvelle armée ou la police nationale. Ce projet du Conseil national de transition (CNT) se heurte à de multiples difficultés. Misrata comptait plus de 10 000 combattants rebelles. Aujourd’hui, selon les autorités, seulement 2 400 auraient accepté d’intégrer la nouvelle police libyenne. D’après RFI, de nombreux ex-rebelles de Misrata sont toujours à Tripoli, la capitale libyenne, où éclatent régulièrement des affrontements entre milices rivales.

«Il y a une compétition politique entre ces milices et le CNT»

Pour Saïd Haddad, chercheur au CNRS spécialiste de la Libye, « il y a une compétition politique entre ces milices et le CNT pour le pouvoir. Bien que la plupart d’entre elles reconnaissent l’organe de transition, elles veulent aussi peser dans la vie politique ». Le chercheur estime que « le problème est qu’une partie des milices ne se sent pas représentée dans la nouvelle Libye. La scène politique libyenne est très fragmentée. Et l’expression exacerbée de ces milices reflètent les revendications locales du pays. Le nouveau système qui émergera devra prendre en compte cette réalité. Il devra également redistribuer les richesses du pays de façon équitable dans les différentes régions ».

Ces milices, qui concourent à l’instabilité du pays, échappent au contrôle du CNT. Selon un rapport publié jeudi par Amnesty international, ces groupes armés auraient commis des exactions à l’encontre des partisans présumés de Mouammar Kadhafi, dont des immigrés originaires d’Afrique sub-saharienne qui ont été souvent accusés d’avoir soutenu le dictateur. D’après l’organisation, « depuis septembre au moins 12 personnes placées en détention par des milices sont mortes à la suite d’actes de torture. Leurs corps étaient couverts d’hématomes, de plaies et d’entailles, et certaines avaient eu les ongles arrachés ».

La Libye doit également faire face au danger que constitue la circulation des armes. Selon Jacques Hogard, spécialiste des questions sécuritaires au Sahel, « il y a un réel risque que ces armes tombent entre les mains de l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou de trafiquants. Face à cette menace, l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie ont créé une cellule pour trouver une solution au problème ».

L’instabilité de la Libye menace le Sahel

La chute du régime de Mouammar Kadhafi a aussi eu un impact considérable dans le Sahel. Le conflit libyen a provoqué un retour massif d’ immigrés africains dans leur pays d’origine. Ils seraient près de 400 000 à avoir regagné le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Parmi eux, des anciens combattants et soldats de l’armée libyenne qui sont rentrés avec des armes et des munitions extrêmement sophistiqués. Bamako les accusent d’être à l’origine de la reprise des hostilités depuis la mi-janvier entre l’armée et les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) dans le nord du Mali.

Selon les autorités maliennes, la rébellion est dirigée par Mohamed Ag Najem, ancien colonel, qui a combattu durant 40 ans dans l’armée libyenne. Il serait rentré au Mali quinze jours après la chute de Mouammar Kadhafi, à Tessalit, sa ville natale. Bamako estime qu’il est le cerveau des attaques de janvier. Pour le ministère malien de la Défense, l’attaque qui a eu lieu le 16 janvier à Ménaka, dans la région de Gao (Nord-Est), proche de la frontière avec le Niger, a été perpétrée par « des militaires rentrés de Libye auxquels se sont joints d’autres éléments se faisant connaître sous l’appellation du MNLA ». « Ces rebelles ne représentent qu’eux-mêmes », a estimé un collaborateur du président malien Amadou Toumani Touré cité dans les colonnes du journal La Croix. « Ce sont des bandits qui visent à détrousser les gens. Leur objectif n’est pas politique mais pécuniaire. Nous avons essayé à plusieurs reprises d’ouvrir des négociations avec les représentants du MNLA. Cela n’a rien donné », a-t-il affirmé. L’instabilité de la Libye constitue une véritable menace pour la région sahélo-saharienne. «

Tant que la Libye restera instable, cette région ne pourra être sécurisée », selon Saïd Haddad. L’élection de l’Assemblée constituante est prévue pour le mois de juin. Le CNT, dont les membres ont promis de ne pas participer à ce scrutin, laisseront en héritage aux nouveaux dirigeants libyens un dossier sensible.

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