Hôpitaux du Sénégal : serment d’Hippocrate ou l’hypocrisie d’un serment


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Hôpital du Sénégal
Un hôpital du Sénégal

En guise de protestation contre la gestion de l’affaire de la patiente Astou Sokhna morte en phase d’accouchement, à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga (Nord du Sénégal), les professionnels de santé ont décrété un mot d’ordre de grève. Les personnels de santé refusent que les autorités les tiennent « coupables- de négligence » dans ce dossier.

L’hôpital sénégalais agonise. En plus d’être malade de ses praticiens, certains mouvements, notamment le syndicat autonome des médecins du Sénégal (SAMES), le syndicat des travailleurs de la santé, le Syndicat autonome de la santé, l’Association nationale des sages-femmes d’Etat du Sénégal, entre autres, qui forment le collectif des travailleurs de la santé, ont décidé d’observer un mouvement de grève, ce jeudi 21 avril, sur l’ensemble du territoire national.

La raison : une patiente nommée Astou Sokhna a perdu la vie à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga, alors qu’elle était en phase d’accouchement. La dénonciation de son cas a poussé la presse à donner plus d’ampleur à ce qui s’est toujours fait dans les hôpitaux sénégalais, au point que le premier Sénégalais s’est personnellement saisi du dossier. Le chef de l’Etat, Macky Sall, a, en effet, diligenté une enquête pour mettre la lumière sur ce drame de trop.

Sous 48 heures comme requis, le rapport est présenté par le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr. Il accable le personnel en poste le jour du drame. L’enquête aboutit à des faits qualifiés de non-assistance à personne en danger. Les sanctions tombent : le directeur de l’hôpital démis de ses fonctions, le personnel en poste entendu et écroué. Au nombre de six, ils seront jugés, la semaine prochaine, en flagrant délit.

Dr Amadou Camara, secrétaire général du SAMES, un des artisans de cette grève de protestation contre le verdict du procureur, estime que les autorités sénégalaises « se précipitent pour tenir le personnel de santé coupable de négligence » en lieu et place « de mener des enquêtes impartiales et de prendre des mesures conservatoires ». Pis, il a osé se féliciter « d’un mot d’ordre de grève largement suivi sur le terrain ». Pour une blouse blanche ! Les Sénégalais sont habitués à ce type de dérive.

Il est dommage d’avoir à faire comprendre aux blouses blanches que l’Etat n’a fait qu’appliquer la volonté du peuple sénégalais, qui est loin d’être satisfait des services non pas offerts, mais monnayés par les hôpitaux et autres centres de santé du Sénégal. Le service public n’existe plus dans la santé au Sénégal. Même si c’est un ticket de consultation ou une seringue, il faudra mettre la main à la poche avant d’être traité. C’est la règle.

Jusque-là, aucun souci, les Sénégalais en ont l’habitude. « Deuk-bi, koufi amoul khaliss do fadju ». Ce langage est commun chez tous les Sénégalais qui veulent, par là, signifier que « celui qui n’a pas les moyens ne pourra pas espérer se faire soigner dans ce pays ». Qui osera dire le contraire ? Et même avec les moyens, il faudra faire face à l’arrogance d’un corps médical imbu, irrespectueux dans sa quasi-globalité.

A ces maux s’ajoute le manque de professionnalisme et surtout d’éthique. Des centres de soin où les infirmières s’enferment pour gérer des tontines ou essayer des habits qu’une proche vient leur proposer. Si ce n’est pas le petit-déjeuner qui est pris jusqu’à 09 heures, pour un service qui démarre à 08 heures. Sans compter la corruption et même les abus. Dans les hôpitaux sénégalais tout y est, sauf le respect du serment d’Hippocrate.

Des hôpitaux où le malade ou la femme qui accouche n’a pas le droit de crier sa douleur, de peur de récolter une phrase du genre : « tu te tais où on te laisse ici ». Si ce ne sont pas tout simplement des insanités lancées à l’égard des malades souvent traités d’indisciplinés. Oui, indiscipline il y a. Reste à savoir de quel bord elle se situe. Aujourd’hui, l’hôpital est plus malade que les patients. Que l’on soit médecin, infirmier, sage-femme ou technicien de surface. Ils sont tous des chefs, imbus de leur personne. N’en déplaisent aux… patients.

C’est avec beaucoup d’hypocrisie que ces blouses blanches dénoncent les mesures souhaitées par les populations et prises par les autorités. Le peuple dit que ça suffit. Il en a assez souffert de ce spectacle désolant vécu dans les hôpitaux et centres de santé du Sénégal où, il suffit juste de porter une blouse blanche, bleue ou verte, pour se permettre de franchir toutes les barrières. Oubliant son sacerdoce, le serment prêté pour être habilité à pratiquer ce métier noble : celui se soigner, de guérir l’humain. Heureusement que quelques rares d’entre eux en ont encore gardé un tant soit peu d’humanisme.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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