Guinée : pourquoi la justice tarde-t-elle à juger les crimes du régime Condé ?


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Alpha Condé, ancien Président de Guinée
Alpha Condé, ex-Président de Guinée

Alors que les espoirs de justice s’étaient ravivés après la chute d’Alpha Condé, le silence persistant autour des crimes commis sous son régime suscite colère et incompréhension. Les avocats des victimes appellent les autorités de transition à honorer leurs engagements, face à une procédure judiciaire au point mort.

Plus d’un an après l’ouverture d’une enquête sur les crimes présumés commis sous le régime de l’ex-président Alpha Condé, la justice guinéenne semble à l’arrêt. Face à cette paralysie judiciaire, les avocats des victimes montent au créneau. Ils interpellent directement les plus hautes autorités de la transition, dénonçant une rupture de promesses et un affront à la mémoire des centaines de morts.

Un espoir né de la chute du régime Condé

Lorsque le régime d’Alpha Condé a été renversé en 2021, de nombreux Guinéens ont vu dans cette transition militaire une opportunité inédite de tourner la page de l’impunité. En janvier 2023, une enquête préliminaire est lancée par le procureur général contre 26 hauts responsables, dont l’ex-président lui-même, pour des “crimes de sang” perpétrés durant onze années de pouvoir. L’audition d’une centaine de victimes ainsi que de plusieurs mis en cause laisse alors entrevoir une volonté réelle de justice.

Mais depuis, silence radio. Les travaux de la commission dédiée sont à l’arrêt et le dossier n’a toujours pas été transmis au tribunal de première instance de Dixinn pour permettre l’ouverture d’une instruction judiciaire. “Il restait juste quelques personnes à auditionner. Rien ne justifie l’interruption du processus”, dénonce maître Thierno Souleymane Baldé, avocat des victimes et président de l’Institut de recherche sur la démocratie et l’État de droit (IRDED). Pour lui, cette inertie menace la crédibilité même des institutions de la transition.

Les familles des victimes réclament justice et vérité

Les ONG et l’Association des victimes et parents du régime d’Alpha Condé (AVIPRAC) ne cessent de rappeler l’ampleur du drame : plusieurs centaines de morts, souvent lors de manifestations violemment réprimées. “Les familles veulent la vérité, ne serait-ce que pour faire leur deuil”, insiste Me Baldé. L’incompréhension est d’autant plus grande que le général Mamadi Doumbouya avait, à son arrivée au pouvoir, affirmé vouloir faire de la justice le “socle” de sa gouvernance.

Dans une lettre adressée au chef de l’État, ainsi qu’au Premier ministre, au ministre de la Justice et au procureur général, Me Baldé appelle à relancer urgemment l’enquête. “Quand la volonté politique existe, aucun obstacle n’est insurmontable”, écrit-il. Ce message est aussi un avertissement : l’impunité alimente les cycles de violence. Pour les victimes, il ne s’agit plus seulement de juger des responsables, mais de réconcilier la Guinée avec son histoire.

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