Guinée : la campagne s’achève dans un climat de silence et de boycott


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Manifestation à Kaloum (Conakry) en faveur de la candidature de Mamadi Doumbouya
Manifestation à Kaloum (Conakry) en faveur de la candidature de Mamadi Doumbouya

En Guinée, la campagne pour le référendum constitutionnel du 21 septembre s’achève dans un climat de silence et de boycott. Présenté comme une étape vers le retour à l’ordre constitutionnel, le scrutin suscite des doutes sur sa légitimité, l’opposition ayant choisi de s’abstenir et les libertés publiques restant sévèrement restreintes. Derrière les promesses de réforme, une question domine : le général Mamadi Doumbouya prépare-t-il son maintien au pouvoir ?

Dimanche 21 septembre, 6,7 millions d’électeurs en Guinée sont appelés à se prononcer pour ou contre une nouvelle Constitution. Mais à l’heure où la campagne électorale touche à sa fin, le climat est marqué par l’absence de débats véritables, sur fond de boycott de l’opposition et de soupçons de confiscation du pouvoir par la junte au pouvoir.

Un retour annoncé à l’ordre constitutionnel

Quatre ans après le coup d’État du général Mamadi Doumbouya contre Alpha Condé, ce référendum est présenté comme une étape indispensable pour rendre la Guinée à la vie constitutionnelle normale. Le nouveau texte maintient l’ossature institutionnelle des précédentes Constitutions, mais innove avec la création d’un Sénat, dont un tiers des membres sera nommé par le chef de l’État, et d’une Cour spéciale de justice de la République, compétente pour juger le président et les ministres en cas de crimes commis durant leur mandat.

Le projet prévoit aussi un mandat présidentiel de sept ans, renouvelable une seule fois, et ouvre la porte à des candidatures indépendantes. Officiellement, le président de transition promet une Constitution « qui ressemble et rassemble les Guinéens ».

Des avancées… et des zones d’ombre

Le texte comporte des points salués par certains, comme l’instauration d’un quota de 30 % de femmes dans les instances électives ou la mise en place d’une Haute Cour de justice. Mais il suscite de vives critiques de l’opposition, qui dénonce surtout l’article 74 garantissant une immunité civile et pénale aux anciens présidents. Pour l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (Anad), il s’agit d’un « blanc-seing » à l’impunité, notamment pour Alpha Condé, poursuivi pour crimes de sang.

Plus encore, le projet écarte certains opposants de premier plan : Alpha Condé, 87 ans, et Cellou Dalein Diallo, 73 ans, exclus en raison des nouvelles limites d’âge et de résidence imposées aux candidats à la présidentielle.

Une campagne sous chape de plomb

Depuis plusieurs semaines, les rues de Conakry et des grandes villes guinéennes sont tapissées d’affiches appelant à voter « oui », souvent à l’effigie du général Doumbouya. À l’inverse, les voix favorables au « non » se sont faites quasi inaudibles. L’opposition, affaiblie par la suspension de ses partis et la répression des manifestations depuis 2022, a choisi le boycott.

Les défenseurs des droits humains dénoncent un climat de peur : arrestations de journalistes, suspensions de médias et disparition forcée de certains militants. Ce verrouillage réduit considérablement les possibilités d’un débat démocratique.

Doumbouya sur la ligne de départ ?

Derrière ce référendum, une question domine : le général Doumbouya se prépare-t-il à se maintenir au pouvoir ? Lors de son putsch, il avait promis de ne pas briguer la magistrature suprême. Pourtant, la nouvelle Constitution ne contient plus l’interdiction faite aux membres de la junte de se présenter. De nombreux analystes y voient un signal clair : le chef de l’État garde toutes ses options ouvertes pour une candidature future.

La communauté internationale, qui a longtemps pressé Conakry de rétablir l’ordre constitutionnel, observe ce scrutin avec prudence. Mais sur le terrain, beaucoup de Guinéens doutent que ce référendum marque réellement un tournant démocratique.

Le vote du 21 septembre est censé mettre fin à la transition. Pourtant, l’absence de véritable débat, le boycott de l’opposition et la répression des voix dissidentes posent la question de la légitimité de cette nouvelle loi fondamentale. Si elle est adoptée, elle ouvrira une séquence électorale cruciale avec, en toile de fond, une équation simple : le général Doumbouya tiendra-t-il sa promesse de remettre le pouvoir aux civils, ou s’ouvre-t-il au contraire la voie vers une présidence de long terme ?

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Fidèle K est journaliste et rédactrice spécialisée, passionné par l'Afrique et ses dynamiques politiques, culturelles et sociales. A travers ses articles pour Afrik, elle met en lumière les enjeux et les réalités du continent avec précision et engagement.
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