Guinée : des organisations des droits de l’Homme portent plainte contre d’anciens officiers de l’armée


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Dans un communiqué dont nous détenons copie, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation Guinéenne des Droits de l’Homme (OGDH) affirment avoir déposé vendredi deux plaintes contre des anciens officiers de l’armée guinéenne devant la justice guinéenne pour des violations graves des droits de l’Homme perpétrées en 2007 et 2010.

(De notre correspondant)

La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation Guinéenne des Droits de l’Homme (OGDH) ont porté plainte contre l’actuel gouverneur de la ville de Conakry, Sékou Resco Camara, l’ancien chef d’état-major du régime de transition, le général Nouhou Thiam, et l’ancien chef de la garde présidentielle sous la transition, le Commandant Sidiki Camara dit De Gaulle, pour violations graves des droits de l’Homme. Ces crimes auraient été perpétrés en 2007 et 2010. Les deux organisations ont indiqué dans un communiqué : « Au cours d’une mission judiciaire à Conakry, la FIDH et son organisation membre en Guinée, l’OGDH, ont déposé, ce jour, deux plaintes devant la justice guinéenne pour des violations graves des droits de l’Homme perpétrées en 2007 et 2010. Nos organisations demandent à la justice de se pencher sur ces crimes afin que leurs auteurs répondent de leur actes et que les victimes puissent obtenir réparation ; et appellent les autorités à soutenir l’action de la justice ».

Le 18 mai 2012, la FIDH et l’OGDH, déjà parties civiles dans l’affaire du 28 septembre 2009, ont déposé, devant la justice guinéenne, deux plaintes avec constitution de parties civiles aux côtés de 65 victimes de violations graves des droits de l’Homme perpétrées en 2007 et 2010 par des agents de l’État guinéen. Ces deux actions judiciaires distinctes visent à établir les faits et les responsabilités des violences politiques qui se sont déroulées respectivement en janvier et février 2007 au cours de manifestations pacifiques, et en octobre 2010 lorsque 15 personnes ont été arbitrairement arrêtées, détenues et soumises à des actes de torture à Conakry.

Dans cette dernière procédure, plusieurs responsables politiques et militaires en fonction en 2010 sont directement visés. « Le dépôt de ces deux plaintes marque la contribution de la société civile à l’élargissement de la lutte contre l’impunité en Guinée à d’autres situations que celles du massacre du stade, perpétré le 28 septembre 2009» a déclaré Me Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH et responsable du Groupe d’action judiciaire de la FIDH.

Alors que la Guinée s’est engagée sur la voie de l’instauration d’un État de droit et d’une justice équitable et indépendante, plusieurs actes importants ont déjà? été? posés en ce sens, notamment l’inculpation le 1er février 2012 du Lieutenant-Colonel Moussa Tiegboro Camara pour son implication présumée dans le massacre du 28 septembre 2009 et la condamnation à une amende symbolique du Commandant Sékou Resco Camara, le 30 novembre 2011, pour avoir ordonné la détention arbitraire de cinq défenseurs des droits de l’Homme. « Ces actions en justice auraient été impensables il y a encore quelques temps » a déclaré Thierno Maadjou Sow. « Il faut maintenant les instruire en toute indépendance et aboutir à un jugement juste et équitable pour rétablir les victimes dans leurs droits et faire avancer la Guinée » a-t-il ajouté.

En ouvrant une analyse préliminaire, le 15 octobre 2009, sur les événements du 28 septembre 2009, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) s’est saisi de la situation générale en Guinée. La CPI demeure compétente pour tous les crimes internationaux perpétrés sur le territoire depuis l’entrée en vigueur de la Cour le 1er juillet 2002.

« Tant dans l’affaire du 28 septembre 2009 que dans les affaires de 2007 et 2010, nous avons choisi de saisir la justice guinéenne car c’est en premier lieu à elle de faire reculer l’impunité. Mais si cette justice nationale n’avait ni la volonté, ni la capacité de connaître de ces crimes, la justice internationale aurait le devoir d’agir » a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH.

La société civile guinéenne dans son ensemble a été durement réprimée au cours des régimes qui se sont succédés jusqu’à la transition démocratique et a payé un lourd tribu dans sa lutte pour le changement et la démocratie. « Nous voulons croire que l’engagement de ces procédures permettra de faire entendre la parole des victimes oubliées et contribuera à instaurer la confiance dans une institution judiciaire qui a longtemps été au service des puissants », a déclaré Aziz Diop, secrétaire exécutif du Conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSCG). « Car notre pays a besoin de vérité, de justice et de réconciliation » a-t-il ajouté.

Concernant le processus de réconciliation, une commission provisoire de réflexion, créée par le Président Alpha Condé en août 2011, a été chargée de proposer un processus pour aboutir à l’établissement d’une Commission nationale vérité, justice et réconciliation. Celle-ci devra pouvoir entendre toutes les victimes des régimes successifs en Guinée : celles du camp Boiro, des répressions de 1985, 2007, 2009 et les autres violations graves des droits de l’Homme en Guinée ; procéder à des enquêtes et des auditions privées et publiques ; ainsi que proposer des mesures de réparation et d’indemnisation des victimes.

Nos organisations considèrent que la mise en place d’une telle commission permettra à la Guinée de tourner la page de son passé de violences politiques et étatiques.

Rappel des faits

En janvier et février 2007, se sont déroulées des manifestations pacifiques d’importance sur l’ensemble du territoire menées par les syndicats et la société civile en faveur du pouvoir d’achat et de l’État de droit. Brutalement réprimées par les forces de sécurité? du pouvoir déclinant du président Lansana Conté, le bilan de la répression s’établirait à des centaines de morts et de blessés, des viols, et des pillages. Ces graves violations des droits de l’Homme n’ont fait l’objet d’aucune enquête officielle aboutie, ni d’aucune procédure judiciaire, qui auraient permis de faire la lumière sur l’une des plus violentes répressions politiques de ces dernières années en Guinée.

En octobre 2010, selon les informations transmises à la justice, des éléments de la garde présidentielle du président par intérim de la transition auraient arrêté et détenu arbitrairement plusieurs individus et les auraient soumis à des actes de torture en présence et suivant les instructions de Sékou Resco Camara, du Général Nouhou Thiam, et du Commandant Sidiki Camara dit De Gaulle. Ces crimes perpétrés par des personnes en charge de l’autorité? publique se sont déroulés en marge de la campagne présidentielle du deuxième tour et sans lien direct avec celle-ci. Ces violations demeurent cependant symptomatiques de pratiques arbitraires, héritages de violences politiques et d’un demi-siècle d’impunité? en Guinée.

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