
La campagne électorale s’ouvre en Guinée-Bissau sur fond de tensions politiques et militaires, après un coup d’État déjoué à la veille du scrutin. Douze candidats sont en lice pour la présidentielle du 23 novembre, mais l’absence du PAIGC, principal parti d’opposition, bouleverse le paysage politique. Entre méfiance, rivalités et peur de l’instabilité, le pays aborde une élection sous haute surveillance.
La campagne pour les élections générales en Guinée-Bissau, prévues pour le 23 novembre, s’est officiellement ouverte ce samedi dans un climat de forte tension politique et militaire. Quelque 860 000 électeurs sont appelés aux urnes pour élire un nouveau président et les 102 députés de l’Assemblée nationale. Le coup d’envoi a été donné par le président sortant, Umaro Sissoco Embaló, qui brigue un second mandat et a tenu son premier meeting à Bairro Ajuda. L’ambiance de carnaval de ce rassemblement contraste cependant avec les menaces qui pèsent sur la stabilité du pays, notamment l’annonce par l’armée d’une « tentative de subversion de l’ordre constitutionnel » déjouée la veille.
L’ombre persistante de l’instabilité militaire
À quelques heures seulement du lancement de la campagne, l’armée bissau-guinéenne a fait savoir qu’elle avait mis en échec une tentative de coup d’État et procédé à l’arrestation de plusieurs officiers supérieurs, dont le général de brigade Daba Nawalna. D’autres militaires impliqués seraient en fuite. Bien que les détails de cette action visant à « interrompre le processus électoral » n’aient pas été précisés, cet événement vient rappeler la fragilité institutionnelle de ce pays d’Afrique de l’Ouest, coutumier des soubresauts politiques violents (quatre coups d’État et dix-sept tentatives de putsch depuis l’indépendance en 1974).
Le président Embaló a d’ailleurs choisi d’ironiser sur la situation, affirmant publiquement : « Que celui qui veut la confrontation vienne, aucun d’entre nous ne porte de gilet », insistant sur la légitimité électorale de son pouvoir.
Le grand absent de la course : le PAIGC
Le fait marquant de ce scrutin reste l’absence inédite du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) et de son chef, Domingos Simões Pereira. Le PAIGC, parti historique qui a mené le pays à l’indépendance et remporté les dernières législatives de 2023, ainsi que la principale coalition d’opposition qu’il dirigeait, ont été écartés de la course présidentielle et législative par la Cour suprême pour des raisons de dépôt tardif de leurs dossiers.
Le porte-parole du PAIGC, Francisco Muniro Conte, a dénoncé la « mauvaise foi » de la Cour, mais la décision est définitive. Si Domingos Simões Pereira, farouche opposant au président Embaló, n’a pas donné de consigne de vote officielle, il s’est engagé, à titre personnel, à soutenir le candidat indépendant Fernando Dias.
Une course présidentielle ouverte malgré les tensions
Douze candidats sont en lice pour la présidentielle. Outre Umaro Sissoco Embaló, son prédécesseur José Mario Vaz (2014-2020) fait partie des prétendants notables, se présentant cette fois en indépendant. Pour les législatives, quatorze partis, incluant une coalition soutenant le président sortant (la plate-forme Nô Kumpu Guiné), vont concourir pour les 102 sièges du Parlement.
Ces scrutins se déroulent alors que l’opposition conteste toujours la légitimité du mandat d’Umaro Sissoco Embaló, issu d’une élection très contestée en 2019 et d’un long bras de fer post-électoral résolu par la reconnaissance de la CEDEAO. L’enjeu majeur, outre la stabilité politique, est la lutte contre la pauvreté et l’omniprésence du narcotrafic, la Guinée-Bissau étant un point de transit de la cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe. La campagne se terminera par des meetings géants dans la capitale le 21 novembre.




