Grippe au Sénégal : une flambée saisonnière qui met les centres de santé sous pression


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Hôpital du Sénégal
Un hôpital du Sénégal

Depuis plusieurs semaines, la grippe frappe durement le Sénégal. Dès l’aube, les centres de santé de Dakar, Thiès, Saint-Louis ou encore Ziguinchor voient affluer des dizaines de patients présentant fièvre, courbatures, toux sèche ou difficultés respiratoires. Les salles d’attente débordent, les files s’allongent jusque dans les cours, et les soignants tentent de gérer un afflux inédit de malades.

A Dakar,

Une épidémie de grippe sévit au Sénégal. Dans les quartiers populaires, les infirmiers parlent d’un « pic inhabituel ». L’entrée progressive dans la saison froide ne fait qu’aggraver la situation. Les nuits fraîches du mois de décembre favorisent les infections respiratoires, et cette année, le virus semble particulièrement agressif. Les parents d’élèves s’inquiètent. Dans les écoles publiques très fréquentées, les enseignants signalent une augmentation des absences.

Une propagation fulgurante dans les écoles et les transports

Divers établissements notent des classes où près d’un tiers des élèves sont enrhumés ou fiévreux. Beaucoup redoutent une propagation rapide, surtout dans les transports en commun où le contact est inévitable. Dans les bus « Tata » bondés aux heures de pointe, certains passagers portent désormais des masques, d’autres non. La cohabitation est parfois tendue. « Je mets mon masque, mais je vois que la moitié des gens s’en moquent », affirme une passagère.

Les gestes barrières, lassitude oblige, ne sont plus systématiques. Dans un pays où la poignée de main et l’accolade sont des marques fondamentales de convivialité, la propagation de la grippe semble inévitable. Les marchés, les gares routières et les cérémonies familiales constituent autant de lieux de forte transmission. Malgré les alertes sanitaires, les habitudes sociales ont la peau dure. La promiscuité en milieu urbain joue également un rôle. À Dakar, densément peuplée, les familles nombreuses vivant sous le même toit favorisent l’échange rapide des virus saisonniers.

Habitudes sociales et risques accrus

Les médecins rappellent que les personnes âgées, les enfants et les individus souffrant de maladies chroniques sont les plus vulnérables. Pour comprendre le ressenti populaire face à cette flambée de grippe, nous avons interrogé plusieurs Sénégalais de profils différents. Awa, mère de trois enfants à Pikine, se dit « très préoccupée » : « Mon fils a été malade deux fois en un mois. À l’école, il y a beaucoup de cas. Je demande toujours aux enfants d’éviter de prêter les bouteilles d’eau ou les stylos, mais ce n’est pas évident. Les classes sont pleines ».

Moussa, chauffeur de bus à Dakar, enchaîne les journées difficiles : « Les gens montent et descendent, certains toussent sans mettre la main. Moi aussi je commence à sentir la grippe. Je garde un masque, mais avec la chaleur, ce n’est pas facile. On transporte des milliers de passagers par jour, c’est normal que ça circule vite ». Dans les structures de santé, les professionnels fatiguent. Certains assurent avoir doublé leur charge de travail. Les consultations pour syndromes grippaux représentent désormais une part importante des accueils.

Soignants sous tension, citoyens entre prévention et fatalisme

Le personnel tente de rassurer, mais l’inquiétude grandit devant la hausse continue des cas. À l’hôpital de Fann, un médecin généraliste explique que la grippe saisonnière est « habituelle » à cette période, mais reconnaît que l’ampleur actuelle dépasse les moyennes des dernières années. Les autorités sanitaires suivent de près la situation, même si aucune mesure exceptionnelle n’a encore été annoncée.

Malgré tout, beaucoup de Sénégalais oscillent entre prudence et résignation. La tradition, le quotidien, les impératifs du travail rendent parfois difficile l’application stricte des mesures préventives. Fatou, étudiante à l’université de Dakar, avoue : « À la faculté, nous sommes des centaines par amphithéâtre. Comment éviter la contamination ? On ouvre les fenêtres, mais ce n’est pas suffisant. Je fais de mon mieux, je bois beaucoup d’eau et j’évite les contacts, mais je sais qu’on ne peut pas tout contrôler ».

Difficulté de la gestion sanitaire individuelle

Abdoulaye, commerçant au marché Sandaga, minimise un peu la situation : « Chaque année, il y a la grippe. Les gens prennent le paracétamol et ça passe. Ce qui change, c’est que maintenant tout le monde a peur dès qu’il voit quelqu’un éternuer. Mais ça fait partie de la vie, on doit juste faire attention ». Dans les marchés, les mêmes scènes reviennent : des vendeurs enrhumés, des clients qui toussent malgré eux, beaucoup sans masque. Le rythme de vie effréné rend difficile la gestion sanitaire individuelle. La plupart doivent continuer à travailler, maladie ou pas.

Les transports interurbains sont eux aussi des lieux très propices à la contamination. Les gares routières de la capitale sénégalaise regroupent chaque jour des milliers de voyageurs, souvent installés à plusieurs dans des véhicules exigus. Le moindre rhume se propage alors rapidement d’un département à un autre. D’autres Sénégalais témoignent d’une vigilance accrue, bien que parfois contraignante.

Des comportements qui évoluent lentement

Ndèye, couturière, raconte : « J’ai attrapé la grippe il y a deux semaines. J’ai dû fermer l’atelier trois jours. Depuis, je garde un gel hydroalcoolique sur la table et je demande aux clients de garder un peu de distance. Certains rient, mais moi je préfère prévenir ». Cheikh, père de famille, dit craindre une contamination massive dans les écoles : « Les enfants touchent tout, jouent ensemble, mangent parfois sans se laver les mains. Je parle beaucoup avec mes fils, mais ils oublient vite. La grippe circule très vite ici, et le froid n’arrange rien ».

Si la sensibilisation progresse, elle se heurte encore à des pratiques profondément ancrées. La poignée de main, geste social essentiel au Sénégal, demeure très répandue, au risque de faciliter la circulation des virus. Toutefois, certains commencent à adopter de nouveaux réflexes : éviter de serrer toutes les mains lors des cérémonies, mettre un masque dans les lieux bondés ou aérer davantage les pièces. Des associations communautaires mènent également des campagnes d’information dans les quartiers.

Une saison qui teste la résilience du pays

La grippe continue de circuler activement, et les prochains jours seront décisifs. Les autorités sanitaires rappellent l’importance de consulter en cas de symptômes sévères, de se reposer et d’éviter la promiscuité lorsqu’on est malade. Des messages sont régulièrement diffusés. L’enjeu est désormais de limiter la pression sur les centres de santé déjà saturés et de protéger les populations vulnérables. Alors que le froid s’installe, le Sénégal fait face à une vague de grippe particulièrement virulente.

Les témoignages montrent une population partagée entre inquiétude, adaptation et fatalisme. Dans un pays où la convivialité est au cœur du quotidien, modifier les habitudes est un défi, mais la situation actuelle incite à plus de prudence. Une chose est sûre : la solidarité, la vigilance et les petits gestes du quotidien joueront un grand rôle pour traverser cette période tendue sans trop d’encombre.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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