France : la loi toujours plus dure envers les immigrés


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Le nouveau projet de loi sur l’immigration est examiné à partir de ce mardi par les députés. Ce texte, présenté par le ministre de l’Immigration Eric Besson, met notamment en œuvre les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy lors du discours de Grenoble du 31 Juillet et durcit la politique migratoire française.

Déchéance de nationalité, allongement de la durée de rétention, expulsions facilitées, réduction des pouvoirs des juges. Le nouveau projet de loi sur l’immigration a commencé à être examiné aujourd’hui à l’Assemblée nationale française. Adopté en conseil des ministres le 31 mars dernier, ce quatrième texte en sept ans illustre un nouveau durcissement de la politique migratoire en France.

Le texte est ouvertement présenté comme un instrument au service de la lutte contre l’insécurité. Un thème sur lequel Nicolas Sarkozy s’est personnellement engagé – au prix de sévères condamnations internationales – et qui est redevenu le sujet de prédilection de l’UMP, après avoir été un ingrédient majeur de sa victoire en 2007. C’est après son désormais célèbre discours de Grenoble, le 31 juillet dernier, prononcé dans un climat de tension après des faits de violence largement médiatisés, que la polémique a enflé. La faute, notamment, à l’annonce de mesures concernant la déchéance de la nationalité, qui figureront sous forme d’amendements au projet de loi.

C’est la plus emblématique et la plus controversée des mesures préconisées par Nicolas Sarkozy à Grenoble, le 30 juillet. Dans le cas de violences ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité permanente envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, le coupable pourra être déchu de la nationalité française si celle-ci a été acquise moins de dix ans avant les faits, et à condition que cette déchéance n’ait pas «pour résultat de rendre apatride l’auteur des violences».

Une mesure qui a beaucoup fait parler d’elle. Mais selon Fayçal Megherbi, juriste au MRAP et docteur en droit : « Le nouvel amendement sur la déchéance de nationalité n’a aucune chance de passer. Il est en désaccord constitutionnel avec l’article 1 de la constitution car il fait une différence parmi les citoyens français ».
Gaëlle Tainmont, responsable nationale du pôle Migrations & Asile de SOS Racisme est moins catégorique. Pour elle, le conseil constitutionnel étant composé de membres favorables au gouvernement, il pourrait faire passer l’amendement malgré son anti-constitutionnalité. Mais les deux juristes sont néanmoins d’accord sur un point : cette mesure touchera très peu de personnes. Pour Gaëlle Tainmont, l’affaire de la déchéance de nationalité aurait servi a faire passer un message fort toujours plus sécuritaire et de masquer les autres dispositions du projet de loi qui durcissent de façon flagrante les lois sur l’immigration.

Expulsions facilitées

Officiellement, le principal motif de la réforme est de transposer dans le droit français trois directives européennes : la directive « carte bleue européenne » (qui ouvre le droit au séjour et au travail dans l’ensemble des 27 états membres), la directive « sanctions » (qui renforce les sanctions administratives et financières contre les employeurs qui recourent « sciemment » à l’emploi de sans papiers) et enfin la directive « retour ».

Le texte, qui comporte 84 articles et 472 amendements, entend également faciliter le renvoi des étrangers en situation irrégulière. Dans un souci « d’efficacité » car partant du constat que 80 % des clandestins qui en sont l’objet en France ne sont pas expulsés dans les faits, le gouvernement propose de faire passer la durée de rétention maximum des étrangers en situation illégale de 32 à 45 jours. Il souhaite ainsi remédier aux problèmes que pose la délivrance de laissez-passer de la part du pays d’origine. En effet, pour expulser un étranger, il faut qu’il soit reconnu par son pays d’origine via la délivrance d’un laissez-passer. Ainsi, 31% des expulsions échoueraient pour cette raison. En 2003, Nicolas Sarkozy avait déjà rallongé la durée de rétention de 12 à 32 jours.

Recul de l’intervention du juge des libertés en rétention

Ainsi, ce projet de loi vise à réduire encore et toujours les droits des immigrés.

En janvier 2010, plusieurs dizaines de Kurdes de Syrie avaient été découverts venant de débarquer sur les côtes corses. Eric Besson avait décidé de les placer dans divers centres de rétention sur le continent, mais les juges des libertés et de la détention (JLD) qui avaient eu à se prononcer sur la prolongation de leur enfermement avaient sanctionné les irrégularités de procédure commises et avaient ordonné la libération de tous, désavouant le ministre de l’Immigration.

Ainsi, le projet de loi vise à inverser l’ordre de passage devant un juge administratif et un JLD. Jusqu’à présent, ce dernier examinait la légalité de l’interpellation, de la garde à vue et du placement en rétention de la personne expulsée, ce qui donnait lieu à de nombreuses annulations de procédures. Son rôle reste inchangé, mais l’éloignement pourrait être décidé avant qu’il n’intervienne dans la procédure.

L’UMP disposant d’une majorité confortable à l’Assemblée, le texte devrait passer sans trop de difficultés. Cependant, comme le rappelle Fayçal Megherbi, un simple citoyen peut saisir le conseil constitutionnel pour dénoncer l’anti-constitutionnalité ou la contradiction de ces mesures avec le droit européen qui prévaut sur le droit français. Le texte de loi risque donc de faire la navette entre le Sénat et l’Assemblée pendant au moins quelques mois. Un sursis qui, comme le note Gaëlle Tainmont, devrait être employé activement par les associations des droits de l’homme afin de mobiliser l’opinion publique et faire reculer le gouvernement sur ce projet de loi.

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