France 24 : un éléphant ou une souris ?


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C’est parti pour France 24, la chaîne d’information internationale française qui ambitionne de concurrencer CNN et BBC. Les moyens financiers et humains dont dispose ce média cher au président Jacques Chirac laissent pourtant des doutes sur sa capacité à le faire. Pour l’information relative à l’Afrique, la chaîne s’appuiera sur la production de ses partenaires RFO et AITV.

20 ans de gestation. C’est le temps qu’il aura fallu à la chaîne internationale d’information française, finalement baptisée « France 24 », pour venir au monde. Jacques Chirac portait ce projet d’une « CNN à la française » depuis deux décennies, et la nécessité de cette « composante de la présence française à l’étranger » s’est faite ressentir avec force, en 2003, lors de la crise en Irak. Son lancement, mercredi, vient couronner la fin de son deuxième mandat. Le chef de l’Etat français doit d’ailleurs accorder une « brève » interview à Gérard Saint-Paul, directeur général délégué à l’information, dès la prise d’antenne, à 20h29, sur les ondes hertziennes et sur le Net. France 24 va diffuser en français et en anglais, avant de se mettre à l’arabe en 2007 puis à l’espagnol dans trois ans. Mais à la différence d’Al Jazeera et Al Jazeera English (AJE), qui fonctionnent avec des programmes propres, la chaîne française offre un contenu éditorial unique, « adapté » selon les langues et « exceptionnellement traduit simultanément ».

Le 15 novembre dernier, la presse française et internationale avait d’ailleurs couvert le lancement d’AJE avec enthousiasme. Elle se veut au mieux réservée avec le nouveau média français. C’est que tout a déjà été dit sur elle. Sur l’étrange alliance publique/privé qui préside à sa destinée d’abord. Alors qu’un rapport parlementaire préconise en 2003 que France 24 soit dirigée par les opérateurs publics (France télévision, RFI, TV5…), l’Elysée décide que France Télévisions devra faire alliance avec TF1. La première chaîne privée européenne devient partenaire à 50% de France 24 alors que le budget de cette dernière est public.

Peu de correspondants « France 24 »

Le budget est d’ailleurs une autre cause de mécontentement. Pour sa première année, France 24 dispose de 86 millions d’euros, ce qui pour la plupart des observateurs est loin d’être suffisant pour inquiéter les autres géants de l’information internationale. A titre de comparaison, celui de CNN avoisine les 900 millions de dollars et celui de BBC World dépasse les 500 millions d’euros.

170 journalistes ont été recrutés cet été pour former la rédaction qui va s’employer 24/24h dans les locaux de France 24, à Issy-les-Moulineaux, près de Paris. Encore insuffisant pour assurer « le rayonnement » de la France à l’étranger souhaité par Jacques Chirac. La chaîne annonce 36 correspondants « privilégiés » mais s’appuiera pour l’essentiel, à l’étranger, sur les réseaux (correspondants ou moyens matériels) de ses partenaires : l’AFP, RFI (Radio France internationale), RFO (Radio France Outre-Mer), Global Radio Network (langue anglaise), ainsi que les bureaux de TF1 et France Télévisions.

Grâce à son partenariat avec AITV (Agence internationale d’images et de télévision), la banque d’images de RFO, France 24 va diffuser quotidiennement dix minutes de reportage sur l’Afrique subsaharienne. « La rédaction d’AITV mettra à disposition de France 24 le réseau de ses correspondants afin d’assurer des commentaires, interviews et reportages spécifiques », ajoute la chaîne. Toujours à titre de comparaison, pour sa couverture africaine, la jeune Al-Jazeera English a ouvert cinq bureaux « en propre » sur le continent et en partage huit autres avec Al-Jazeera.

Concernant la diffusion, France 24 est référencée en Afrique par Canalsat Horizon (25 pays d’Afrique de l’ouest) et Multi Choice Africa (une vingtaine de pays en Afrique australe et de l’est).

« CNN » ou « Voice of America » ?

France 24 s’est fixé comme objectif de « couvrir l’actualité avec un regard français et de véhiculer partout dans le monde les valeurs de la France. » Le journal Libération s’interroge mercredi sur l’incidence de ce « regard français » sur le traitement de l’information : « Un regard français, c’est un peu moins manichéen que le regard américain de CNN (…), faire passer quelques valeurs françaises, le respect, la tolérance qui sont celles de la république quand elles sont bien appliquées », explique Gérard Saint-Paul.

« C’est la télévision que le président Chirac voulait mais ce n’est pas la télévision de Chirac. BBC World et CNN sont merveilleusement professionnelles, mais elles véhiculent inévitablement un regard britannique ou américain », ajuste Alain Pouzilhac. Des dénégations qui n’empêchent pas Business Week de penser que « le support du gouvernement pour France 24 pourrait affaiblir son intégrité journalistique, en en faisant plus une ‘Voice of America’ qu’une ‘CNN’ ».

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