Former les animateurs télé africains de demain


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Le Sénégal accueille une initiative audiovisuelle pilote en Afrique visant à former une vague d’animateurs télé dans le pays. Un casting national va être lancé à Noël pour trouver et former les nouveaux professionnels de demain. Le projet prévoir également la remise d’un trophée distinguant les meilleures productions télévisuelles du continent. Interview de Richard Joffo, père du « Plan d’Action ‘compétitivité’ pour les Télévisions des Pays d’Afrique Francophone ».

Profession : animateur(trice) télé. Un métier qui s’apprend et dont l’audiovisuel africain a cruellement besoin. Fort de ce constat partagé, le Sénégal a décidé d’accueillir le projet pilote du Français Richard Joffo et de son Académie audiovisuelle visant à former une série d’animateurs(trices) dans le pays. Un casting national va être lancé en décembre en ce sens. Première étape de sélection pour garder vingt à trente futurs animateurs. Créé au sein de l’Université d’Hourtain (grand rendez-vous de l’audiovisuel français), un trophée récompensera par ailleurs les meilleures productions télévisuelles africaines. Richard Joffo nous explique les fondements de son « Plan d’Action ‘compétitivité’ pour les Télévisions des Pays d’Afrique Francophone ».

Afrik.com : Comment vous est venu l’idée d’une telle initiative ?

Richard Joffo :
Tout à commencé quand je suis allé au Sénégal avant la dernière élection présidentielle, dans le cadre d’une mission de communication politique. J’ai donc été amené à m’intéresser aux médias sénégalais. A l’époque, j’avais déjà remarqué le fossé qu’il existait entre ce que faisait Canal Horizon, TV5, CFI et la télévision locale. Je me faisais la réflexion que les productions audiovisuelles nationales étaient en train de mourir. J’ai gardé un lien avec l’Afrique notamment avec le magazine féminin BB (Black, Beur, ndlr) que j’avais créé en 2000 et à travers deux autres missions au Niger et au Gabon. Le constat, par rapport à la télé africaine, était toujours le même. D’autant plus avec l’arrivée des chaînes satellites. Je suis allé voir le bureau de la coopération audiovisuelle (antenne du ministère français des Affaires Etrangères, ndlr) pour défendre un « Plan d’Action ‘compétitivité’ pour les Télévisions des Pays d’Afrique Francophone » destiné à lutter contre l’acculturation et l’appauvrissement du secteur de la production audiovisuelle. Mais plutôt que d’attendre leur aide, je me suis rapproché du gouvernement sénégalais pour monter une opération pilote dans le pays.

Afrik.com : Quelle est votre légitimité professionnelle à impulser ce type d’initiative ?

Richard Joffo :
Je suis un ancien conseiller de la SFP (Société française de production, ndlr). Je suis actuellement producteur et réalisateur et je dirige parallèlement une association que j’ai créée en 2000, l’Académie audiovisuelle, où je forme des animateurs télé. Une association qui est également un espace de veille et de conseils en matière de marketing de programme et de programmation télévisuelle.

Afrik.com : Quel regard critique portez-vous sur les animateurs du continent ?

Richard Joffo :
L’Afrique n’a quasiment pas d’animateurs et ils maîtrisent souvent mal les techniques de base de ce métier. Il n’y a pas de gens qui parlent à des gens à la télévision en Afrique. Je suis allé voir le ministère de la Communication et les patrons des deux chaînes nationales (la RTS et la RTS 2S, ndlr) et je leur ai expliqué ce que je ressentais. Il s’avère qu’ils se posaient eux-mêmes la question et étaient très critiques sur la question. Ils n’avaient pas d’idée précise de ce qu’est un animateur, mais voulaient créer un peu de séduction à l’antenne. Ils m’ont reçu avec beaucoup d’enthousiasme.

Afrik.com : Comment allez-vous procéder pour trouver et former les animateurs ?

Richard Joffo :
Nous allons procédé à une audition publique nationale pour garder vingt à trente jeunes. L’appel à candidature aura lieu à Noël. Les lauréats suivront un programme pédagogique de préparation pendant trois mois. Un programme orienté sur le français et le vocabulaire, la culture générale, le développement personnel, l’articulation, la diction, la gestuelle. Enfin la formation se termine par huit jours intensifs de formation où l’on abordera plus en profondeur le travail en plateau, la chronique, les lancements. Je suis conscient que ce n’est pas en huit jours que l’on forme une personne, mais c’est une bonne amorce pour la lancer.

Afrik.com : L’initiative est-elle amenée à être développée dans d’autres pays africains ?

Richard Joffo :
Tout à fait. Nous allons mesurer la performance de cette opération prototype et rectifier le processus afin de mieux la répliquer dans d’autres pays du continent. Le Mali, le Burkina Faso, le Bénin sont intéressés.

Afrik.com : Votre projet comprend également un trophée dont vous avez annoncé la création à l’université d’Hourtain. Quel est le but de ce trophée ?

Richard Joffo :
Il s’agit d’un trophée pour récompenser les meilleurs programmes de flux (magazines, jeux, émissions de variété, de divertissement ou de talk show, ndlr) et stock (les documentaires, ndlr). A terme nous ambitionnons de créer un mini marché des productions africaines.

Afrik.com : Vous avez de nobles ambitions pour l’Afrique. Quel est le secret de votre engagement sur le continent ?

Richard Joffo :
En Afrique, j’ai rencontré des gens attachants, qui ont un sens profond de la communication inter-individuelle. Ce qui me fait mal est qu’il n’y ait aucun reflet de tout ça à la télévision. Je me sens bien quand je travaille en Afrique. Et puis j’estime que nous (les Français, ndlr) avons une responsabilité monstre par rapport au Continent. Nous l’avons colonisé et asservi en leur imposant une pseudo civilisation, nous avons transformé l’indépendance en abandon. Si l’on peut faire quelque chose pour faire avancer les choses dans le bon sens ce n’est qu’un maigre, mais utile, retour des choses…

 Visiter le site de l’Académie audiovisuelle

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