Fin de la campagne pour le référendum constitutionnel en Guinée


Lecture 4 min.
colonel Doumbouya
Le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya

La campagne référendaire s’est achevée jeudi en Guinée dans un climat de forte polarisation. Alors que l’opposition boycotte massivement cette consultation qu’elle qualifie de « mascarade », le régime militaire du colonel Mamadi Doumbouya mise sur ce vote pour légitimer sa transition vers un pouvoir civil et ouvrir la voie à sa candidature présidentielle.

Jeudi s’achevait une intense campagne sur le référendum constitutionnel permettant au colonel Mamadi Doumbouya de se présenter à la présidence, une campagne qui n’a malheureusement pas vu la participation de l’opposition.

Les hommes politiques de l’opposition guinéens ont tous appelé au boycott du référendum, qualifié de « mascarade » par Cellou Dalein Diallo, leader de l’opposition en exil, qui a déclaré que ce référendum servira à « légitimer un coup d’État ». Cela n’a pas empêché l’organisation d’une vaste campagne pour soutenir le colonel Mamadi Doumbouya, qui a pris le pouvoir il y a trois ans en Guinée.

Tous les bâtiments publics et privés de Conakry ont été recouverts de panneaux d’affichage de campagne, les routes bloquées par des camions avec des partisans portant des T-shirts à l’effigie de Doumbouya. Le régime militaire, qui a dissous plus de 50 partis politiques l’année dernière dans le but de « nettoyer l’échiquier politique », a suspendu quelques semaines avant le référendum les trois principaux partis d’opposition, les empêchant d’organiser des rassemblements.

Les panneaux d’affichage et les événements de la campagne n’affichaient qu’une seule consigne de vote : le « oui ». Dimanche, les Guinéens se rendront aux urnes pour se prononcer sur un projet de constitution, étape clé de la transition d’un régime militaire vers un régime civil. À compter de jeudi, aucune campagne n’est autorisée.

Un projet constitutionnel taillé sur mesure pour prolonger le pouvoir

Le colonel Doumbouya, qui espère que cette procédure conduira à une élection présidentielle au mois de décembre, a fait un coup d’État en chassant le président Alpha Condé en 2021, estimant qu’il agissait pour empêcher le pays de sombrer dans le chaos et reprochant au gouvernement précédent de ne pas avoir tenu ses promesses.

Si le colonel avait au tout début déclaré qu’il ne se présenterait pas à la présidence, force est de constater que le projet de constitution autorise les membres de la junte à se présenter. Le texte étend également le mandat présidentiel de 5 à 7 ans renouvelable deux fois et crée un Sénat dont un tiers des membres serait nommé par le président.
Bien que le chef de la junte ne se soit pas prononcé publiquement sur son intention de se présenter aux élections de décembre, il reste la principale figure de la campagne référendaire et est considéré par une partie de la population comme « le nouveau soleil qui brille sur la Guinée ».

Fanta Conte, membre du conseil national de transition de Guinée, a déclaré que le référendum ne portait pas sur le colonel Doumbouya mais sur la nouvelle constitution qui donnerait plus de pouvoir législatif grâce à la création du Sénat : « En ce moment, ce n’est pas la campagne pour l’élection présidentielle, c’est la campagne pour le référendum. Nous ne parlons donc pas de politique pour l’instant. »

Des conditions démocratiques inquiétantes

Il est regrettable, sinon étonnant, de constater depuis le début de la transition le désir d’exclure les voix de l’opposition, positionnant ce référendum comme un autre coup de force après le coup d’État. Depuis la prise de pouvoir, l’emprise de la junte militaire sur l’opposition et les médias indépendants s’est renforcée. Des organisations telles que Human Rights Watch ont d’ailleurs accusé le régime militaire de faire disparaître ses opposants et de réduire au silence les médias critiques.

Cela passe par l’arrêt d’émissions sur les réseaux sociaux et les stations de radio privées, l’interruption ou la suspension pendant plusieurs mois, sans explication, de sites d’informations. Des journalistes ont également fait l’objet d’attaques et d’arrestations depuis 2021.

Dans cet élan de vote pour la nouvelle constitution, il est très important de rappeler que le niveau d’alphabétisation en Guinée est très faible : plus de la moitié de la population ne sait ni lire ni écrire. Cela signifie que les seules informations sur la nouvelle constitution que cette population reçoit sont partagées par le gouvernement militaire.

Notons également que le nouvel organe, la Direction générale des élections, qui supervisera le décompte des voix, compte deux principaux responsables qui ont été nommés par le chef de la junte, le colonel Doumbouya.

Avatar photo
LIRE LA BIO
Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News