Filippe Savadogo, ambassadeur humaniste


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Filippe Savadogo, 49 ans, est ambassadeur du Burkina Faso en France depuis presque 7 ans. Humaniste, il a réussi à fédérer autour de lui les autres ambassadeurs africains de Paris et rafle toutes les distinctions honorifiques. Portrait d’un diplomate atypique.

Il y a deux semaines, Filippe Savadogo, ambassadeur du Burkina Faso à Paris, était fait Commandeur de l’Ordre des Palmes Académiques de France. Une distinction venue s’ajouter aux cinq autres acquises depuis 1994. Une occasion surtout de mesurer la popularité de ce diplomate atypique : il avait pour l’occasion réuni quasiment tous les ambassadeurs africains de la place de Paris.  » C’est extrêmement rare de les faire se déplacer tous, en semaine, comme cela « , notait un observateur averti et admiratif.

Alors qu’est-ce-qui avait attiré tous ces diplomates à venir saluer leur confrère ? Sans aucun doute la personnalité chaleureuse et fédératrice de cet homme de 49 ans, qui assume son rôle d’ambassadeur en France depuis bientôt sept ans avec intelligence et tempérance.  » Comme tout Burkinabé, j’aime les autres « , se justifie-t-il.  » Je suis un panafricaniste convaincu et je pense fermement que c’est dans l’union qu’est notre force et dans la diversité qu’est notre union. Pour moi, l’Afrique n’a de perspective que réunie autour d’un objectif commun. Par exemple, nos programmes d’activités à l’ambassade concernent toujours l’Afrique, avec une passerelle vers le Burkina.  » A l’image de son pays qui est au carrefour de l’Afrique de l’Ouest, il est lui-même au carrefour de la diplomatie africaine en France.

Ambassade conviviale

Cumulant les représentations diplomatiques du Burkina auprès du Portugal, de l’Espagne, du Vatican et de la Tunisie, représentant permanent auprès de l’Unesco et représentant personnel du Chef de l’Etat auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie, il est partout.  » Lorsque j’ai été nommé à ce poste d’ambassadeur, je ne m’y attendais pas. La surprise s’est transformée en défi ! J’avais des objectifs simples que j’ai sorti sur une feuille blanche : consolider les relations d’amitié entre les Français et les Burkinabé à travers des relations de coopération décentralisée et des relations politiques et commerciales. Je voulais aussi faire de l’ambassade un lieu convivial, d’accueil et de recherche d’information pour les Français et les Burkinabés vivant en France. Que cet endroit soit une étape, qu’on s’y sente en confiance. D’ailleurs, la porte de mon bureau est toujours ouverte « , explique-t-il.

Décontracté, Monsieur l’ambassadeur reçoit en chemise, assis sans protocole sur son canapé, et se souvient de ses premières amours. Le cinéma. Ce fils de fonctionnaire d’une famille de huit enfants fait partie de la première génération d’étudiants en cinéma du Burkina Faso.  » Je me rappelle avoir pleuré trois jours et trois nuits quand j’ai été orienté en linguistique à l’université de Ouagadougou. Je voulais faire du droit. J’avais envie d’être un homme de communication ! Trois mois après la rentrée, une école de cinéma s’est ouverte, j’ai sauté sur l’occasion !  »

Fespaco News

A la fin du cycle, il laisse à ses camarades de promotion, dont fait partie le réalisateur Idrissa Ouédraogo, le soin de faire des films. Lui, pense déjà à organiser le cinéma africain autrement. Il sera donc attaché de presse du Festival panafricain de cinéma, le Fespaco.  » A l’époque, aucun journaliste ne voulait couvrir la manifestation, par peur de s’ennuyer ! « , s’étonne-t-il encore aujourd’hui.  » Il était indispensable de faire connaître le festival.  » C’est pourquoi il fait rapidement publier le Fespaco News, précieux outil de communication. Pendant 13 ans, Filippe Savadogo se créé un solide carnet d’adresses et découvre qu’être journaliste, c’est maîtriser l’art d’être passe-partout et apprendre à connaître les autres.

Des choses qui lui serviront dans sa carrière de diplomate.  » Le journalisme mène à tout à condition d’en sortir !  » plaisante-t-il. Pour le reste, il est reconnaissant à ses parents, issus du milieu paysan mais qui ont compté parmi les premiers élèves de la colonisation.  » Mon père, inspecteur divisionnaire des douanes, m’a transmis l’idée de l’école comme facteur d’ascension sociale. Avec ma mère, ils nous ont prodigué, à mes frères et soeurs et à moi une éducation africaine et judéo-chrétienne très riche.  » Né à Yako, chef-lieu de cercle à 100 km de Ouagadougou, Filippe fréquente quatre écoles primaires dans quatre villes différentes, au gré des affectations de son père.  » Cela nous a donné une ouverture d’esprit particulière et une volonté de faire attention aux autres. Je me définis comme Burkinabé avant de me dire Mossi.  »

Aujourd’hui père de trois enfants qu’il a baptisé, on gage qu’il leur transmet cet héritage humaniste que ses proches et ses collaborateurs saluent. Les distinctions qu’il a obtenues tout au long de sa carrière ne récompensent pas autre chose. Mais Filippe Savadogo connaît la valeur à leur accorder.  » Les distinctions honorifiques vous font l’économie d’un long cv, dit-il en riant, et vous permettent de croire en vous-même ! L’important, c’est que les distinctions soient en phase avec ce que l’opinion pense de vous…  » Pour lui, c’est manifestement le cas.

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