Fespam 2001 : pour l’éducation et le dialogue interculturel


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Le Fespam a pris fin samedi dernier à Brazzaville. Madame Mambou Aimée Gnali, ministre de la Culture et des Arts et chargée du Tourisme, s’entretient avec David Cadasse sur la nécessité d’éduquer le public congolais et prône le dialogue interculturel comme source d’enrichissement. Interview.

Le troisième Festival panafricain de musique (Fespam) a fermé ses portes samedi dernier dans la capitale congolaise. Concerts et représentations se sont succédés, tout au long d’une semaine de festivités pour mettre la musique à l’honneur. Petit bémol toutefois quant au public congolais qui ne semble apprécier que son sacro-saint  » ndombolo  » (style musical congolais, ndlr). Une situation que Madame Mambou Aimée Gnali, ministre de la Culture et des Arts et chargée du Tourisme, reconnaît et déplore. Avec son franc-parler, elle explique ce manque d’ouverture culturelle. Elle célèbre par ailleurs la richesse des musiques de la diaspora – toutes parties d’une matrice africaine et façonnées dans leur nouvelle identité par le temps – et milite pour la réunion des genres.

Afrik : A l’inverse de Kinshasa, où se déroulait une partie des festivités, le public brazzavillois ne semble avoir d’oreille que pour le ndombolo . Comment expliquez-vous cette situation ?

Mambou Aimée Gnali : Nous avons observé de nombreuses réactions négatives des spectateurs devant les première parties, plus éducatives, des grands spectacles au palais du parlement. Mais le premier objectif du Fespam est d’abord d’offrir la diversité. Les Brazzavillois doivent accepter le Fespam tel qu’il est dans sa diversité culturelle, dans toute sa dimension africaine. A ce niveau, les Kinois sont beaucoup plus ouverts que nous, parce qu’ils sont exposés à beaucoup d’autres styles de musique que le seul ndombolo. Il y a plusieurs chaînes de télévision et de radio à Kinshasa, contre une seule chez nous. Suivant celle que vous prenez, vous avez du jazz, de la musique classique, des musiques traditionnelles africaines, etc. Nous n’avons pas cette diversité sur nos radios ou télévisions.

Afrik : Pourquoi aviez-vous décidé, cette année, d’organiser une partie du Fespam à Kinshasa ?

Mambou Aimée Gnali : Le Fespam est une création de l’Union Africaine. Et le projet a toujours lié les deux Congos. Les précédentes éditions, même si aucune festivité ne se déroulait en RDC, ont été organisées avec la ville de Brazza en association avec Kinshasa. C’est tout à fait logique. Il n’y a que la rivière qui nous sépare. Nous avons la même culture, nous sommes parents. Brazza n’a que 800 000 habitants. Kinshasa entre 7 et 10 millions. C’est d’autant plus enrichissant pour la dimension panafricaine du Festival d’avoir les deux publics.

Afrik : Cuba et la salsa avec l’orchestre Aragon qui était l’un des grands invités du Fespam. Pourquoi une telle initiative dans un festival panafricain ?

Mambou Aimée Gnali : On propose quelque chose qui intéresse les Africains et la diaspora. Un festival africain ne peut pas ignorer ce qui se passe dans les Caraïbes et les Antilles. Tous les genres et types de musiques sont ainsi représentés. Aragon a emmené des sons que les Africains ont oubliés. La salsa tire ses racines de l’Afrique. Une base transformée qui est devenue l’expression d’une propre sensibilité. C’est au bénéfice de la richesse et de la diversité culturelle que tous ces genres musicaux reviennent ici, en Afrique, pour que chacun se rende compte que le continent a influencé une grande partie de la musique mondiale. Nous devons éduquer notre peuple pour qu’il prenne conscience de tout cela. Il nous faut montrer et expliquer les choses parce que les gens ne peuvent pas trouver ça par eux mêmes.

Afrik : Tout est mélange, métissage ?

Mambou Aimée Gnali : Oui, et c’est ça qui est intéressant. Il n’y a pas de cultures pures, de cultures authentiques. Tout est influences. Il y a un lien entre ce qu’on pense être purement africain et le reste du monde. A nous d’oeuvrer pour faire bénéficier de nos expériences communes. Il faut parler de dialogue entre les cultures africaines et celles de la diaspora, c’est ce qui nous apportera beaucoup. D’ailleurs, le thème de la prochaine édition du Fespam (en août 2003) sera  » Les rencontres entre l’Afrique, les différentes Amériques et les Caraïbes « .

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