Fatma Mehdi, combattante pour un Sahara occidental libre


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Depuis de nombreuses années Fatma Mehdi, secrétaire générale de l’Union des femmes sahraouies, se bat pour que le Sahara occidental obtienne son indépendance vis-à-vis du Maroc, qui contrôle la région. Elle ne comprend toujours pas comment la France peut soutenir Rabat dans cet épineux dossier. Rencontre.

A Alger

Il faut la suivre au pas pour avoir une chance de s’entretenir avec elle. Difficile en effet de s’approcher de Fatma Mehdi qui porte dans ses bras au moins une dizaine de documents. Elle est encore entourée d’un groupe de personnes qui la félicite de toutes parts pour avoir mené d’une main de maître cette troisième conférence des femmes sur la cause sahraouie, dimanche 21 avril 2013 à Alger, à l’hôtel Sheraton, qu’elle a présidée.

D’autant que la secrétaire générale de l’Union des femmes sahraouies, à la peau matte, vêtue d’un Melfha bleu, élégamment enroulée tout autour de son corps, ne passe pas inaperçue. On n’entrevoit que quelques mèches de cheveux noirs derrière ce vêtement traditionnel des femmes du Sahara occidental et quelques bijoux qui ornent ses poignées. Régulièrement, elle réajuste cet habit qu’elle porte fièrement avec délicatesse. Elle qui a 45 ans, en parait 30. Déroutant.

C’est d’un pas lent, comme à son habitude, qu’elle se rend au restaurant de l’hôtel Mazafran, où elle souffle enfin, après son exténuante journée. Mais là encore le répit est de courte durée puisqu’elle est attendue à une réunion avec le président du Comité national algérien de soutien au peuple sahraoui. C’est finalement autour d’un plat de riz accompagné de légumes et de morceaux de viande de bœuf que la secrétaire générale de l’Union des femmes sahraouies accepte de parler de la cause qu’elle défend depuis de nombreuses années. Polyglotte, celle qui parle l’arabe, l’anglais, et l’espagnol, d’une voix posée pour bien se faire comprendre, fixe toujours ses interlocuteurs de son regard pénétrant.

Une vie entière dans les camps

« J’ai toujours vécu dans les camps », déplore-t-elle. Elle n’a que sept ans lorsque le conflit qui oppose son peuple aux autorités marocaines éclate en 1975. Ses souvenirs sont encore douloureux. Originaire de la ville de Laâyoune, des bombes y sont larguées. Elle s’enfuie avec un petit groupe d’hommes et femmes. Sans eau ni nourriture, ils marchent pendant très longtemps. La petite fille se retrouve finalement dans l’un des premiers camps de réfugiés sahraouis.

Une rude expérience qui la pousse à s’engager corps et âmes dans la lutte pour l’indépendance du Sahara occidental vis-à-vis du Maroc, qui contrôle la région. Elle n’a jamais eu peur d’être une femme leader. Ce n’est d’ailleurs pas anodin qu’elle ait participé en tant que représentante des femmes sahraouies à la 56ème Commission des femmes qui s’est tenue au siège de l’ONU, à New York, du 27 février au 9 mars 2012. Une première dans l’histoire du Sahara occidental. Avant elle, aucun responsable politique de la région n’avait assisté à une conférence internationale.

La responsable, qui a su imposer sa marque, fait parti de ceux qui estiment que les femmes ont une importance capitale dans la lutte pour la liberté et l’indépendance du Sahara occidental, saluant sans cesse leurs « sacrifices. « La femme sahraouie a joué un rôle important dans la société sahraouie. Elle a contribué à pacifier notre lutte, argue-t-elle. Elle a souffert de tortures et est régulièrement victime d’enlèvements. Elle résiste malgré tout à toutes ces tortures. Elle est représentée au Parlement sahraoui et continue à œuvrer pour que nos revendications soient entendues ».

Blessée par la France

Des revendications délaissées par les médias, qui ont longtemps fait la sourde oreille sur la question du Sahara occidental, fustige Fatma Mehdi. Raison pour laquelle elle a toujours œuvré pour que le monde entier se penche sur ce dossier. Elle n’est pas dupe. Sans le soutien de la communauté internationale, Rabat ne changera pas de positions. La preuve, « les autorités marocaines ne veulent toujours pas organiser le référendum d’autodétermination qui nous permettra enfin de prendre notre destinée en main car elles ont peur du résultat qui en résultera. Tout le peuple sahraoui veut son indépendance ! », clame-t-elle.

Il n’y a pas que les autorités marocaines qu’elle met en cause dans ce conflit. La France, qui soutient Rabat sur cet épineux dossier, l’a profondément déçue. « Je crois que c’est même plus que de la déception. C’est une honte. Sincèrement j’ai honte pour la France ! Comment est-ce possible ? La France qui est le pays des droits de l’Homme ? » Incompréhensible, renchérit-elle.

Pour Fatma Mehdi, les souffrances de son peuple « sont restées trop longtemps enfouies ». Désormais, « nous voulons être entendu du monde entier pour que tous comprennent nos revendications et notre combat pour nos droits ». Une requête que « le peuple français doit soutenir », selon elle. S’il y a une chose dont elle est convaincue c’est que : « La société civile française est la clé de notre problème. C’est elle qui pourra changer la donne en se battant à nos côtés. »

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