Fama Guèye, Restaurant Madiba : « Les femmes doivent se battre pour être indépendantes »


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Fama Guèye, à côté de l'effigie de Madiba qui décore la structure
Fama Guèye, à côté de l'effigie de Madiba qui décore la structure

« Deux steaks, s’il vous plaît ! », lance une serveuse à la cuisine. L’une des charmantes serveuses venait de transmettre la commande de deux clients. Nous sommes au restaurant Madiba, situé dans la région de Thiès au Sénégal, à 70 kilomètres de Dakar. Musique acoustique bien tamisée, des serveuses d’une rare élégance, qui vêtue de Jean, qui d’autre de jupe bien millimétrée. Ici, les bonnes odeurs se mêlent. Viande de mouton grillée, poisson braisé, chawarma, tout y est. Des spécialités africaines et européennes proposées par Fama Guèye, une Saint-Louisienne bien dans sa peau. Elle qui, à ses débuts, avait opté pour la coiffure, a tourné la page depuis fort longtemps pour se lancer dans la restauration.

A 42 ans, Fama Guèye, debout sur 1m75, semble avoir réussi son pari de percer dans l’entrepreneuriat. Elle qui est née et a grandi à Saint-Louis (ville du nord du Sénégal, à 272 kilomètres de Dakar), a quitté l’école alors qu’elle faisait le CM2, après six ans d’études. Fille unique, il fallait à l’époque aider sa mère dans les tâches ménagères. Ce qui a contraint la jeune Fama Guèye de quitter les bancs de l’école, à seulement 12 ans. En grandissant, Fama qui voyait ses besoins financiers augmenter, ne pouvait plus se contenter des petits sous que lui donnait sa maman.

C’est ainsi qu’elle a décidé de se lancer dans la coiffure, mais à domicile. Les affaires marchent fort. Avec le peu d’argent qu’elle gagne, cette Saint-Louisienne parvient à non seulement subvenir à ses besoins, mais aussi à aider financièrement sa maman. Fama accueillait ses clientes dans la maison familiale et les tressait moyennant 1000 FCFA, 1500 FCFA voire 3500 FCFA, jusqu’à ce qu’elle rencontre un certain Mamadou Guissé. Leur idylle aboutit au mariage et le couple décide de s’installer à Thiès (70 km de Dakar). C’est justement à Thiès que l’idée est venue de créer ce fameux restaurant, Madiba, du nom de l’ancien Président sud-africain Nelson Mandela. Aujourd’hui, mère de quatre enfants, deux garçons et deux filles, Fama tente d’allier les deux : être une bonne gérante et une bonne mère de famille. AFRIK est allé à sa rencontre.

Pourquoi avoir décidé d’appeler le restaurant Madiba ?

C’est, comme le dit mon mari, en hommage à ce grand homme de dimension internationale que nous avons décidé de nommer le restaurant Madiba. C’est surtout le sens du pardon de Mandela qui nous a toujours fasciné au point que mon mari, surtout, s’est tout le temps dit que le jour où il aura son propre établissement, il portera le nom de Madiba. Mandela est un homme dont on ne peut mesurer la grandeur. Il a su véhiculer des messages qui ont franchi les frontières de l’Afrique du Sud.

Que propose votre restaurant à sa clientèle ?

Notre restaurant, ouvert tous les jours de 8 heures à 2 heures du matin, propose un menu varié, notamment des pizzas Madiba, des chawarmas Madiba. Comme c’est écrit sur l’enseigne, des spécialités africaines et européennes sont quotidiennement au menu. A l’ouverture à 8 heures, nous servons le petit déjeuner au goût des clients. Croissants, café au lait, café expresso, omelette espagnole, omelette nature, omelette Madiba. En outre chaque jeudi, vendredi et samedi, de la musique acoustique est proposée par un orchestre au choix de la direction. Avant, nous étions à la cité Malick Sy (toujours à Thiès). Et c’est depuis avril 2015 que nous avons aménagé ici aux HLM route de Mbour. Côté clientèle, ils sont divers et variés. Nous recevons toutes les nationalités ici. Nos plats, le Thiébou Dieune (riz au poisson), la Norvégienne, nous faisons aussi de la dibiterie (grillade de viande de mouton). Le fast-food, notamment les chawarmas, les hamburgers, marchent très bien.

Avez-vous d’autres activités  à part la gestion du restaurant ?

En dehors du restaurant, je dirige un atelier de coupe et couture, où on confectionne des tenues pour les femmes, les hommes, les enfants. Même des tenues d’école, on les confections. Avant de venir à Thiès, je faisais de la coiffure à Saint-Louis (nord du Sénégal). Cette activité me permettait d’arrondir les angles et d’aider ma mère.

Parvenez-vous à bien vous occuper de vos enfants, compte tenu de votre charge de travail, notamment le restaurant et l’atelier de couture ?

Il est un peu difficile d’être chef d’entreprise et de s’occuper de ses enfants comme il le faut. Mais, j’ai pris toutes les dispositions pour que mes enfants ne manquent de rien, étudient dans de bonnes conditions. C’est difficile d’avoir satisfaction, mais je m’efforce à ce que mes enfants soient bien encadrés, bien éduqués et qu’ils ne souffrent pas de mon absence. Le peu de temps libre que j’ai, je me sauve pour aller les voir, rester un peu avec eux. Je veux qu’ils comprennent que je me sacrifie pour eux.

Beaucoup de femmes sont d’avis qu’il est très difficile de réussir au Sénégal en tant que femme. Quel message leur délivrez-vous ?

Elles ont en partie raison. En effet, les temps sont durs. Mais je pense que rien n’est facile dans la vie. Et comme on dit, la réussite est au bout de l’effort. Mais ce n’est pas parce que la vie est dure que les femmes doivent emprunter de mauvais chemins. Une femme doit faire en sorte de ne pas dépendre des hommes. Je suis pour une émancipation totale de la femme. Les femmes doivent se battre pour être indépendantes. Je suis contente quand je vois à la télé ou rencontre une femme qui a réussi dans la vie. Et cela prouve que la femme sénégalaise est ambitieuse.

Avez-vous d’autres projets ?

Bien sûr ! (elle éclate de rire). Le jour où j’aurai les moyens, je compte bien mettre sur pied un centre de formation. Pourquoi pas deux. Un centre de formation en coupe et couture et un autre en restauration, hôtellerie. Je veux participer à la formation de l’élite sénégalaise. Je me dis que je dois tout faire pour aider des jeunes filles à percer dans la vie.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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