Facebook censuré en Tunisie


Lecture 4 min.
arton15084

La plateforme virtuelle Facebook n’est plus accessible en Tunisie depuis le 24 août dernier. Elle a été censurée. L’information circule depuis quelques jours sur le net, et vient d’être confirmée par un communiqué de Reporters Sans Frontières, qui dénonce cette pratique illégale et inquiétante du régime tunisien.

« 404 Not Found ». C’est l’inscription lapidaire qui, à chaque tentative de connexion, accueille tous les « Facebookers » Tunisiens depuis le 24 août. Sans prévenir, la censure a une nouvelle fois frappé en Tunisie. Sur la Toile, les commentaires vont bon train. Terre d’asile pour les discours subversifs des opposants au régime, interface d’échange et d’expression incontrôlable, Facebook était un danger, le gouvernement a réagi. Devant cette privation de la liberté d’expression, l’association militante Reporters Sans Frontières monte au front.

Chasse aux dissidents

Le Facebook tunisien a d’abord subi des dysfonctionnements dès le 18 août, faisant croire aux utilisateurs à une simple panne. Après plusieurs jours, et l’information circulant quoi qu’on en dise toujours très vite sur la Toile, les Tunisiens ont dû se rendre à l’évidence et admettre que la censure avait effectivement frappé l’URL www.facebook.com. La menace planait depuis deux à trois semaines déjà et aurait été déclenchée, entre autres faits, par l’ouverture sur la plateforme sociale d’un profil personnel de Mohammed Abbou, un dissident connu et reconnu en Tunisie. En quelques jours, il aurait lancé plusieurs « posts » et thèmes de discussion subversifs, ce qui n’aurait pas été du goût des autorités, qui surveillent la population dans l’espace virtuel au moyen de mots-clés. Par ailleurs, les événements de Gafsa ont également alimenté la polémique entre jeunes Tunisiens utilisateurs de Facebook ces dernières semaines. Les autorités ont pour l’heure refusé de s’exprimer sur la fermeture de cette adresse, dont on ignore si elle sera définitive.

Contourner la censure

Mais déjà, les informaticiens en herbe ont trouvé le moyen de contourner la censure. Depuis le 24 août, ils utilisent la nouvelle version de Facebook, dont l’URL n’a pas encore été bloquée, ou ont recours à des serveurs proxys leur permettant d’accéder au site par un autre chemin. Sur Facebook ainsi, se sont créés six nouveaux groupes en réaction à l’événement. Parmi eux, on trouve Si Facebook reste fermé en Tunisie j’émigre vers le Niger ou encore Ensemble pour que l’Agence Tunisienne d’Internet ATI ne ferme pas Facebook.

Facebook compte aujourd’hui, selon les chiffres, entre 30 et 50 000 utilisateurs tunisiens. Pour la plupart, ils ne le fréquentent que pour des raisons sociales, ludiques, intellectuelles ou divertissantes, mais le régime répressif de Ben Ali semble redouter les possibilités d’opposition, de contestation et d’expression que facilite le site. Aujourd’hui, le site est ainsi devenu un espace de critique politique alors même que les autorités tunisiennes cherchaient à l’éviter.

« L’espace de l’Internet régresse »

L’association Reporters Sans Frontières (RSF), qui milite pour la liberté de la presse et la liberté d’expression, a publié un communiqué de presse dans lequel elle s’insurge de la fermeture de l’URL de Facebook en Tunisie. « L’espace de l’Internet régresse », titre l’article, dans lequel les membres de l’association dénoncent les pratiques illégales du gouvernement. « Pour fermer une adresse URL, une démarche pénale est nécessaire » explique Clotilde Le Coz de RSF. « Mais là, il y a encore plus alarmant puisque cette censure touche tous les Tunisiens, et non pas seulement les dissidents qui cherchent à faire passer un message. Chacun voit ses mails et sa messagerie contrôlés et filtrés délibérément », poursuit-elle.

Et l’Agence Tunisienne pour Internet (ATI) n’en est pas à son coup d’essai : « Après Dailymotion et Youtube, les sites de partage de vidéos en ligne, c’est au tour de Facebook d’être bloqué », commente un jeune Tunisien sur un forum. « Dans la dynamique de la censure, ce sont les sites les plus populaires qui sont visés », commente Clotilde Le Coz. « Depuis quelques temps, une vingtaine de blogs qui critiquaient le gouvernement tunisien ont été bloqués, poursuit-elle. Les internautes avaient trouvé d’autres espaces pour s’exprimer, comme Facebook qui à son tour vient d’être bloqué. C’est pour cela que l’on compare ces pratiques à celles du gouvernement chinois quand il s’agit de bafouer la liberté d’expression et de contrôler toute l’information».

Joint par RSF, l’administrateur de Facebook n’a pas encore commenté la situation.

Par Djeneba Manfila

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News