Exobus : itinérance d’une caravane artistique, de Marseille à Conakry


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Fatoumia Oumar

Partie mercredi dernier de la Friche Belle de Mai, la troupe d’artistes d’Exobus doit rejoindre par la route la capitale guinéenne. En chemin, le spectacle esquissé en France et intitulé «Les graines à palabre» prendra une nouvelle dimension. Avant d’être rejoué dans l’Hexagone, complètement métamorphosé.

Par Anne-Aurélie Morell

Fatoumia OumarAvec un peu de retard, l’heure du départ sonne enfin pour les dix-sept membres d’Exobus. Le projet de caravane artistique itinérante, porté depuis quelques mois par plusieurs associations – majoritairement marseillaises – prend corps. Rendez-vous est donc donné, mercredi 14 novembre, pour voir s’ébrouer paisiblement le convoi, en partance du pôle industriel et pluriculturel de la Friche Belle de Mai. Direction Sète, où les huit véhicules embarqueront pour le Maroc. Viendront la Mauritanie, le Mali, le Sénégal et la Guinée. En tout, un périple de près de quatre mois pour sillonner ce bout d’Afrique à la « rencontre de l’Autre » et faire évoluer un spectacle (volontairement) à peine ébauché. Rencontrée une première fois en juin dernier, lors de la troisième édition du Festival Africa Fête, Fatoumia Oumar Mary Fall, « Fatou », présidente du collectif, nous livre les tenants et aboutissants de cette entreprise très spontanée.

Afrik.com : Comment est née cette idée de caravane artistique ?

Fatoumia Oumar :
J’étais encore à Paris lorsque l’idée a germé. Une fois sur Marseille, j’ai tissé des liens dans les milieux culturels, au fil des rencontres. Nous étions tout un groupe rêvant d’un voyage vers l’Afrique. Certains étaient déjà partis, voire revenaient à peine. D’autres avaient l’envie mais manquaient du courage qu’il faut quand on est seul à faire les choses.
Le jour des résultats du second tour de l’élection présidentielle, il m’a semblé pertinent de lancer le départ. C’était le bon moment. Le collectif Exobus s’est donc créé dans la foulée. Nous avons commencé à nous réunir et le désir est né de partir assez rapidement, sans être institutionnalisés. D’aller au bout de ce que l’on souhaitait réaliser, par nous-mêmes.

Afrik.com : Qui compose la troupe Exobus ?

Fatoumia Oumar :
Le collectif en lui-même regroupe plusieurs associations, toutes marseillaises sauf une, parisienne. Bsure, KinkélibA, le Mille-Pattes, Arts terres, les Filantes, la Tête dans les étoiles, Kamy et la Cie K-barrés,… Plus tous ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre, ou qui se sont « greffés » au projet. Dans cette troupe, il y a des guitaristes, percussionnistes, joueurs de oud [parfois appelé « luth oriental », Ndlr], de flûte, des saxophonistes, des clowns, des gens sur échasses, des peintres, une chorégraphe,…
En tout, nous sommes une dizaine d’adultes. Mais il y a également sept enfants, de un à sept ans, parce que c’est aussi un voyage familial. On amène nos bébés sur les routes pour leur faire vivre le périple, une autre école de vie.

Afrik.com : Le spectacle que vous présentez s’intitule Les graines à palabre. Quelle définition en feriez-vous ?

Fatoumia Oumar :
C’est un conte moderne que l’on a voulu sans paroles, pour le côté universel. Il peut ainsi traverser les frontières, au-delà des barrières de la langue. Les musiciens deviennent les émotions et offrent une lecture sonore de l’histoire. Il y aura beaucoup de danse, de jeux de scène, des ombres chinoises,…
On part avec un spectacle écrit dans les grandes lignes ici, en France, dont trois scènes seulement ont été calées. Il va grandir là-bas, au Mali, au Sénégal, en Guinée, au contact des artistes, des cultures et des imaginaires complètement autres, rencontrés en Afrique. Nous voulons profiter de ces échanges pour nourrir le projet, le faire évoluer, bifurquer, au gré des sensibilités de chacun. Le personnage créé ici vivra des histoires qui ne sont pas dans nos têtes.

Afrik.com : En fait, le projet est protéiforme…

Fatoumia Oumar :
Exactement, puisqu’en plus du spectacle qui fait lien, nous proposerons des ateliers d’écriture, des rencontres autour de projections de films prêtés par des cinéastes, de la photo,… Un véritable espace de création artistique itinérant. Nous comptons aussi faire le relais entre les pays que nous allons traverser, en diffusant des images de nos étapes précédentes. Parce que nous avons la possibilité de voyager et que ceux que l’on va rencontrer l’ont beaucoup moins.
Le but, c’est de débarquer dans les capitales des pays, puis de rayonner très vite dans les villes et villages plus isolés, où la culture n’arrive pas toujours.

Afrik.com : Combien de temps envisagez-vous de partir ?

Fatoumia Oumar :
Quatre mois environ. Et plus si affinités, et plus si on n’a pas envie de rentrer ! Nous sommes tous libres de poursuivre ou d’interrompre l’aventure, de rester plus longtemps ici, ou là.

Afrik.com : Sur quoi reposent vos financements et l’organisation logistique ?

Fatoumia Oumar :
Le délai était trop court pour déposer des demandes de subventions auprès des institutions locales, afin de financer notre départ. Cependant, nous ne voulions pas le repousser pour une question d’argent. Chacun s’est débrouillé selon ses moyens. Certains ont lâché leur appartement. D’autres vendront leur camion sur place et rentreront en avion, faute de pouvoir boucler la boucle et refaire la route.
Côté logistique c’est un peu le même topo : les recherches de partenariats, de mécénat, demandent énormément de temps. Nous avons aménagé nos camionnettes au mieux, certains ont connu des ennuis mécaniques. On espère pouvoir acheter au Maroc des panneaux solaires pour voyager propre, ou du moins limiter l’utilisation de groupes électrogènes. Nous partons avec du matériel, scolaire principalement, que l’on donnera sur place. Côté organisation du trajet, nous avons des contacts dans chaque pays qui préparent notre venue. Enfin, nous espérons donner régulièrement de nos nouvelles, par le biais de France Inter notamment.

Afrik.com : Avez-vous déjà pensé au retour ?

Fatoumia Oumar :
Je ne sais pas comment cela va s’organiser, mais ce qui nous tente, c’est de faire de cette création en constante évolution un projet abouti, qui ne ressemblera absolument pas à ce qu’il était quand nous sommes partis. Nous la diffuserons ensuite en France.
Au niveau local, nous bénéficions de l’appui de lieux partenaires comme le Nomad Café, où l’on se produira. Le festival Nuits Métisses s’engage également pour la diffusion du spectacle. Nous profiterons peut-être de l’expérience et du réseau national développés par ses organisateurs, afin de jouer plus largement l’œuvre. A terme, des artistes africains viendront sûrement à notre rencontre, si les frontières ne se ferment pas un peu plus d’ici là… Voilà pour une première édition, nous verrons ce que l’on peut faire une prochaine fois !

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