Euronews veut devenir la chaîne internationale de référence en Afrique


Lecture 6 min.
Philippe Cayla

Euronews est la chaîne d’information internationale la mieux diffusée sur le continent africain. Elle multiplie cependant ses efforts pour creuser l’écart sur ses concurrentes. Philippe Cayla, son patron, nous a accordé un entretien.

Philippe CaylaEuronews est le premier service d’information télévisé multilingue en Europe. Lancée en janvier 1993, la chaîne est distribuée dans le monde entier, dans huit langues simultanément : le français, l’anglais, l’espagnol, le portugais, l’italien, l’allemand, le russe, et l’arabe depuis juillet 2008. Elle est reçue dans plus de 130 pays, représentant environ 253 millions de foyers, à travers la diffusion numérique par satellite, les réseaux câblés et les réseaux hertziens. Depuis 2004, elle est également diffusée sur des plates-formes numériques dont l’ADSL et la télévision numérique terrestre. En Afrique sub-saharienne, Euronews est la seule chaîne internationale d’information distribuée par toutes les plates-formes satellites. Elle est aussi, depuis 2004 (à Kinshasa), la seule diffusée 24 heures sur 24 sur des fréquences hertziennes sur le continent africain où elle entend multiplier les partenariats avec les télévisions nationales. Philippe Cayla, patron de la chaîne depuis 2003, nous éclaire sur ses ambitions africaines.

Afrik.com : Comment Euronews se positionne-t-elle par rapport à France 24 et TV5 Monde qui diffusent également des informations en langue française en Afrique ?

Philippe Cayla :
Vous connaissez Euronews en français, mais nous n’émettons pas qu’en français. Euronews est une chaîne multinationale et multilingue. Elle se différencie ainsi de tous ses concurrents. Elle n’est pas financée par un seul, mais par plusieurs Etats européens. Et son point de vue sur l’actualité n’est pas celui de tel ou tel Etat, mais celui d’une rédaction composée de journalistes provenant de divers horizons.

Afrik.com : Comment Euronews est-elle financée ?

Philippe Cayla :
Elle est financée à 20% par ses actionnaires, à 20% par l’Union européenne et à 60% par les recettes commerciales. Elle génère un chiffre d’affaire de 50 millions d’euros. C’est une chaîne disponible dans le monde entier qui ne coûte pas cher à la France, qui ne la finance qu’à hauteur de 4%. C’est une société domiciliée en France dont 70% des recettes sont générées hors de l’Hexagone.

Afrik.com : Quand et pourquoi avez-vous décidé de diffuser vos programmes en Afrique subsaharienne ?

Philippe Cayla :
Nous avons une vocation mondiale et l’Afrique fait partie du monde. Les langues européennes sont parlées en Afrique, ce qui nous assure une bonne pénétration sur le continent. Le bouquet Media Overseas assure notre présence dans l’Afrique francophone. Et Multichoice nous permet, sur deux bouquets, d’être présents dans les pays anglophones et lusophones. Deux millions de foyers reçoivent nos programmes 24h heures sur 24 uniquement par satellite, et deux millions à Kinshasa et Brazzaville sur les ondes hertziennes. 16, 3 millions de téléspectateurs africains reçoivent nos programmes à temps partiel sur des fenêtres réservées sur des chaînes hertziennes, dans huit télévisions de sept pays : le Bénin, le Sénégal, le Cameroun, le Burkina Faso, la RDC, le Togo et les Seychelles avec qui nous avons signé des accords de reprises partielles. Donc, 20,3 millions de foyers africains peuvent recevoir Euronews.

Afrik.com : En 2007, vous avez créé un poste de Responsable distribution en Afrique, occupé par Jean-Luc Maertens. Quelles sont aujourd’hui vos ambitions sur le continent ?

Philippe Cayla :
Notre ambition est de développer notre pénétration en Afrique, d’y augmenter nos audiences. Nous avons créé également, l’an dernier, une fenêtre publicitaire vers l’Afrique. Nous diffusons des publicités internationales et purement africaines. Sur le plan éditorial, nous avons la volonté de parler du continent africain. Sur 1000 sujets réalisés sur l’Afrique par Euronews, 2/3 concernent l’Afrique subsaharienne et 1/3 l’Afrique du nord.

Afrik.com : Qu’en est-il de votre présence en Afrique du nord ?

Philippe Cayla :
Euronews diffuse en langue arabe depuis cette année. Au 30 septembre 2008, plus de 20 millions de foyers nous recevaient sur les satellites Arabsat, Nilesat et Hot Bird. Nous sommes en train de recruter quelqu’un qui se chargera de la distribution sur l’ensemble du monde arabe dès le mois de janvier.

Afrik.com : Votre premier accord de reprise en hertzien a été signé avec la RDC où l’on vous reçoit aussi par satellite. Pourquoi êtes-vous si présents au Congo ?

Philippe Cayla :
Parce que les Congolais nous aiment beaucoup ! Le Congo est une ancienne colonie belge. Bruxelles est la capitale de l’Europe. Peut-être cela contribue-t-il à les rendre un peu plus europhiles.

Afrik.com : Quels sont vos objectifs prioritaires en Afrique ?

Philippe Cayla :
Nous voulons développer notre diffusion en Afrique anglophone et lusophone. Nous sommes présents sur tous les bouquets et plusieurs chaînes hertziennes. Nous sommes mieux diffusés que nos concurrentes BBC et CNN. Nous sommes bien partis pour devenir la chaîne internationale de référence.

Afrik.com : Des journalistes africains participent-ils à la production de votre contenu ?

Philippe Cayla :
Nous avons une rédaction multiculturelle. Il y a des Européens, des Russes, des Arabes… Parmi les journalistes de la rédaction anglophone, quelques uns sont d’origine africaine.

Afrik.com : Les programmes diffusés en langues locales ont un succès grandissant sur le continent africain. Pensez-vous vous engager sur cette voie ?

Philippe Cayla :
Nous proposons un concept multiculturel à vocation mondiale. Nous n’avons aucune réticence à diffuser nos programmes en wolof ou en swahili. Cela coûterait 5 millions d’euros par an[[Euronews se fait forte de fabriquer une version de la chaîne, dans une langue donnée, diffusée 24h/24 dans le monde entier, au prix plancher de 5M€ par an. Son format tout-images lui permet de réduire les coûts de production.]] . Ce n’est pas cher, et ça peut rapporter gros. Mais il faudrait qu’un partenaire soit prêt à investir cette somme, ce qui n’est pas encore le cas… Euronews a une vocation mondiale. Son regard n’est ni nationaliste ni européen, c’est celui d’une rédaction multiculturelle à dominante européenne. Nous aimerions diffuser un magazine hebdomadaire sur l’Afrique. En langue arabe, c’est déjà le cas. Nous proposons le magazine Sawa [[Signifie « ensemble » en arabe]] aux téléspectateurs.

Afrik.com : La chaîne Euronews est en pleine expansion. Comment expliquez-vous votre succès ?

Philippe Cayla :
Nous sommes financés à 60% par nos recettes commerciales. Notre rentabilité est très proche de celle des chaînes commerciales. Le multilinguisme nous rend très efficaces. Nous faisons beaucoup d’efforts sur la diffusion. Nous proposons huit chaîne en une, huit langues avec des commentaires originaux. Donc nous sommes quelquefois référencés huit fois, comme sur Free par exemple. Avec une équipe de distribution modeste, nous obtenons des résultats très intéressants. Et nous continuons de progresser. Nous étions, il y a peu, à Hong Kong et aux Philippines où nous avons rencontré une bonne dizaine d’opérateurs. Nous comptons nous développer également sur le marché asiatique, mais il est très protectionniste. Un problème que nous ne rencontrons pas en Afrique.

Consulter :

 Le site d’Euronews

Avatar photo
Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News