Éthiopie : l’exclusion du TPLF ravive les doutes sur la paix de Pretoria


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Conflit Tigré

Moins de deux ans après la signature de l’accord de Pretoria censé tourner la page du conflit au Tigré, Addis‑Abeba rouvre la crise. Le 14 mai, la Commission électorale nationale (NEBE) a radié le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) du registre des partis politiques. Elle estime que le mouvement n’avait pas tenu son assemblée générale obligatoire.

Le mouvement tigréen dénonce une décision « unilatérale » qui remet en cause l’architecture fragile de la paix, tandis que partenaires internationaux et observateurs s’inquiètent d’une nouvelle escalade.

Une radiation aux allures de sanction politique

Officiellement, la NEBE reproche au TPLF d’avoir ignoré plusieurs injonctions à se conformer à la loi sur les partis. Le mouvement reconnaît ses divisions internes, deux factions se disputent désormais la direction, mais y voit surtout une manœuvre destinée à priver la région du Tigré d’un porte‑voix reconnu. Pour l’ex‑parti‑État, qui gouverne encore l’administration intérimaire locale, la radiation viole le pluralisme garanti par la Constitution et trahit l’esprit de Pretoria : la reconnaissance mutuelle et le dialogue.

Le spectre d’un retour aux hostilités

Dans une lettre adressée à l’Union africaine, le vice‑président Ammanuel Assefa prévient que la décision « fragilise sérieusement » l’accord de cessez‑le‑feu de novembre 2022. Les principales dispositions, désarmement complet, retour des déplacés et restauration des services de base, accusent déjà un retard critique. En marginalisant le TPLF, estiment ses dirigeants, Addis‑Abeba ouvre la porte à de nouveaux affrontements entre forces régionales et armée fédérale.

Pressions internationales et inquiétudes régionales

Washington, Bruxelles et Londres ont tour à tour exprimé leur préoccupation face à la montée des tensions. Tous appellent le gouvernement Abiy Ahmed à préserver les mécanismes de médiation et à maintenir l’inclusivité politique prévue par l’accord. Les diplomates redoutent qu’une exclusion du TPLF ne réactive les réseaux armés encore présents dans les montagnes du Tigré, où les cicatrices du siège et de la famine ne se sont pas refermées.

Une crise de confiance dans la transition éthiopienne

Autrefois maître du pouvoir central (1991‑2018), le TPLF a vu son influence s’effondrer sous l’ère Abiy Ahmed. Réintégré légalement en 2022, il espérait négocier sa place dans l’Éthiopie post‑conflit. Sa radiation signe un nouveau recul du dialogue politique national, déjà mis à mal par les violences inter‑ethniques et l’état d’urgence dans l’Amhara. Pour nombre d’analystes, la stabilité du pays dépend désormais d’une relance rapide des pourparlers sous l’égide de l’Union africaine.

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