Epsy Campbel : « La Situation Marginale des Afro-Américains est Insoutenable »


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Epsy Campbel
Epsy Campbel

L’apport historique et académique des professionnels afrodescendants de la Colombie et d’Amérique Latine s’expose dans le cadre de la Deuxième Rencontre des Professionnels Afro-Colombien et Premier Afroaméricain. À ce jour, la rencontre a réuni plus de 2000 assistants, 16 orateurs internationaux et 22 nationaux ainsi que 18 invités spéciaux.

Pour connaître en profondeur certaines des expériences réussies de visibilisation des afro-américains, le Bureau de communication et de Presse a rencontré l’Ex Membre du Parlement Afro costaricien Epsy Campbell Barr, une des oratrices de la Conférence, qui a évoqué son passage par le congrès Costaricain ainsi que les défis qu’elle doit relever pour exercer son travail politique malgré les préjugés qu’entraîne le fait qu’elle est une femme.

Quelle est la situation actuelle des afro-américains?

Elle reste une situation inacceptable au 21iéme siècle, une exclusion aux dimensions insoupçonnables : plus de 80% des afrodescendants vivent dans la pauvreté, il y a moins de 100 parlementaires représentant les 50 millions d’afrodescendants, moins de 10 femmes afrodescendantes dans les parlements, plus de 10 millions d’enfants et des jeunes dans les rues exclus en permanence. La situation de marginalisation des afro-américains est réellement insoutenable. C’est pour cela que ce genre d’espaces sont ceux qui nous permettent de tracer un chemin pour l’avenir, réaliser des alliances, mais surtout de comprendre que nous devons prendre le pouvoir politique dans nos pays et faire partie d’un processus transformateur dont nous faisons partie ainsi que d’autres secteurs de la société, pour repenser les sociétés latinoaméricaines du 21ème siècle.

Les Nations Unies font peu d’efforts, j’estime toujours qu’ils sont moindres, l’UNICEF a un programme spécifique pour l’enfance et l’adolescence afro-descendantes, il y a le groupe de travail sur les afrodescendants à la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, et il y a un effort de l’UNIFEM (Fonds de développement des Nations Unies pour la femme) pour intégrer le thème des femmes afro-descendantes, mais cela reste très peu. Il y a un effort pour intégrer la perspective ethno raciale dans les objectifs du millénaire et je pense que c’est une avancée ; il n y a pas d’objectifs du millénaire sans les afro descendants. Je pense donc que nous avançons sur cette lancée, mais que le déficit est très grand, la responsabilité est très grande et ce n’est pas le moment de nous sentir victimes, c’est plutôt le moment de nous sentir acteurs.

Quels obstacles avez-vous rencontré lorsque vous étiez parlementaire ?

Évidemment, il y a des obstacles mais j’ai toujours décidé d’être en première ligne et mon expérience au parlement costaricains est d’être arrivée à transformer la politique de mon pays, j’ai très vite été déclarée meilleure député du Costa Rica durant deux années consécutives et cela est lié à mon engagement historique pour mes gens, pour les gens de mon pays et pour une nouvelle perspective de la démocratie inclusive, véritablement participative. Il me semble évident qu’on rencontre des obstacles sur le chemin, mais en ces temps de transformation, il faut arrêter de penser aux obstacles et commencer à regarder les opportunités pour avoir la force de ne pas tomber dans les pièges qui se présentent sur votre chemin.

Quel a été votre plus grand défi du fait d’être une parlementaire femme et afro costaricaine ?

Pendant le temps que j’ai été parlementaire et actuellement en tant que présidente du principal parti d’opposition, le défi le plus grand est de toujours bien faire les choses, car lorsque vous êtes une afrodescendante, vous êtes jugé plus durement que lorsque ce n’est pas le cas ; par conséquent, le plus difficile est d’essayer d’avancer judicieusement avec la critique incisive de nombreuses personnes et d’autres qui scient le sol (devant vous), comme on dit chez moi, en faisant tomber des têtes, et vraiment se battre avec cela tout en maintenant l’engagement est quelque chose de vraiment important. Finalement lutter contre les propres ego et les aspirations personnelles, l’agenda de notre peuple est plus important que toute chose et nous ne devons pas abandonner cela. En politique, on trouve de nombreuses opportunités personnelles, mais il faut mettre son propre agenda de coté, le plus important est que nous soyons présents pour transformer et non pour chercher des bénéfices personnels ou individuels.

Que pensez vous de l’ethno éducation ?

Mon expérience en relation avec l’ethno éducation est que nous devons effectivement réécrire l’histoire et l’incorporer dans le système éducatif formel. Au cours de mon mandat en tant que député, j’ai impulsé la création de la commission des études afro costaricaines au Ministère de l’Éducation Publique, pour la première fois dans l’histoire, il existe un espace institutionnalisé pour incorporer dans le curriculum scolaire, non seulement pour les afrodescendants mais également pour les étudiants de mon pays, ce que représente la contribution que les afrodescendants ont apporté au Costa Rica et en dehors. Je pense qu’il s’agit là d’un élément fondamental pour la construction d’une démocratie et les droits humains. Les gens ne respectent pas ce qu’ils ne connaissent pas, et tant que les sociétés dans lesquelles nous vivons ne nous connaissent pas, elles ne nous respecteront pas pour ce que nous sommes. Il s’agit donc d’une bannière fondamentale que nous devons approfondir et la Colombie a fait des avancées importantes.

Dans ce sens, nous devons générer plus d’alliances pour apprendre des expériences de certains pays et d’autres, de certaines organisations et le principal est que nous devons approfondir les relations avec le milieu éducatif en ces temps ou l’éducation devient le rempart fondamental pour la construction des nouvelles démocraties. Je crois que les opportunités jouent un rôle fondamental, c’est pour cela que je félicite l’Université de Santiago de Cali qui effectue ce travail de rassemblement des professionnels non seulement de la Colombie mais de l’Amérique pour discuter des sujets de fond, du développement de l’économie, des thèmes liés à l’inclusion sociale pour que cela serve également comme élément fondamental pour les filles et les garçons de Colombie et de toute l’Amérique Latine. Je ne veux plus être une exception, je souhaite qu’il y ait beaucoup de femmes noires comme moi, non seulement au Costa Rica mais dans toute l’Amérique latine, que vienne le temps ou l’on ne me félicitera plus pour ce que je fais, mais que cela devienne commun de voir des femmes et des hommes noirs à tous les postes, même celui de président. À ce moment là on pourra dire qu’on a fait le travail.

Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga

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