Egypte : une loi anti-manifestations controversée


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Un projet de loi limitant l’organisation de manifestations a été validé le 10 octobre dernier par le cabinet du premier ministre Hazem El-Beblawi. Dernière pierre dans l’édifice sécuritaire mis en place par les Forces armées depuis le renversement de Mohamed Morsi le 3 juillet dernier, le texte est largement décrié comme un retour aux méthodes de l’ère Moubarak. Signe du malaise qu’elle provoque, le président intérimaire Adly Mansour ne l’a toujours pas ratifiée.

Un projet de loi limitant l’organisation de manifestations a été validé le 10 octobre dernier par le cabinet du premier ministre Hazem El-Beblawi. Dernière pierre dans l’édifice sécuritaire mis en place par les Forces armées depuis le renversement de Mohamed Morsi le 3 juillet dernier, le texte est largement décrié comme un retour aux méthodes de l’ère Moubarak. Signe du malaise qu’elle provoque, le président intérimaire Adly Mansour ne l’a toujours pas ratifiée.

Le cabinet du Premier ministre a approuvé le 10 octobre dernier un projet de loi contraignant l’organisation de manifestations sur le sol égyptien. Parmi les nouvelles restrictions, les organisateurs doivent informer la police 24 heures en amont, fournissant leur identité, le trajet emprunté et une estimation du nombre de participants. Des exigences particulièrement difficiles à remplir dans un pays qui évolue depuis deux ans au rythme de manifestations quasi-spontanées. Financer une marche et recevoir un financement pour y participer seront passibles d’une peine d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à plus de 30 000 euros. Enfin, le texte autorise le ministre de l’Intérieur à décaler, interdire ou changer le trajet d’une manifestation. Ce régime soumettrait de fait le droit d’assemblée à une autorisation préalable par le ministère plutôt qu’une procédure de simple notification. Accusé par les organisations de droit de l’homme de faire la part belle aux imprécisions sémantiques, le texte ouvre la voie à l’annulation arbitraire de marches ou le recours à la force létale par les forces de l’ordre en cas de légitime défense. Autant de violations graves à l’origine du mécontentement populaire aux dernières heures du régime Moubarak.

Acculer la confrérie mais pas seulement

En pratique, les autorités égyptiennes utiliseront cette loi pour resserrer l’étau autour de la confrérie. Après l’interdiction de leurs activités politique, caritative et religieuse, elles privent les Frères musulmans de leur dernière carte. Néanmoins, les mouvements révolutionnaires se sont empressés d’émettre leurs propres critiques, conscients que le texte les concerne tout autant. Le mouvement Tamarod, pourtant leader dans les protestations du 30 juin qui ont mené le gouvernement intérimaire au pouvoir, dénonce « toute loi qui limite le droit de manifester pacifiquement, que les Egyptiens ont obtenu à travers les révolutions du 25 janvier 2011 et du 30 juin 2013». Dans un communiqué, le mouvement du 6 avril va plus loin : « La loi prive les Egyptiens de leur droit d’organiser des sit-in, oubliant que c’est ce droit qui a fait tomber les dictatures. Est-ce que le régime a peur d’être renversé comme ses prédécesseurs?  »

Tandis que la ratification se fait attendre, Younes Makhioun, le chef du parti salafiste Al-Nour, a appelé jeudi dernier le président Mansour à conduire un dialogue national au préalable. Cette nouvelle loi arriverait pourtant à point nommer puisque le 4 novembre prochain doit démarrer le procès Morsi, déclencheur inévitable de nouvelles manifestations.

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