Dissoudre le RPT n’est pas la solution !


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Chacun sait que l’Etat togolais est sur un récif. Le pays, durablement fauché, traîne une image dévalorisée que le pouvoir n’a de cesse de raboter, procédant par un nombre considérable de rafistolages politiques qui ont abouti, à Blitta, à l’amorce d’un nouveau parti sorti des entrailles du RPT. Ce qu’il faut retenir, c’est que Faure s’enferre dans une stratégie de mandat sans fin, et vise, pour l’essentiel, à corrompre l’opinion avec sa propre renaissance et celle de sa mouvance. Effort vain ! Les Togolais ont déjà fait la liaison : le parti en question sera un cru 2012 du RPT 1969. Il conservera la même saveur que le parti cinquantenaire. Ce sera du presque vieux, pour poursuivre la lente dérive du Togo vers la peur de l’avenir, les frustrations et l’abîme.

Lorsqu’en 1990, le régime du parti unique a périclité, la génération d’alors avait la conviction que la suivante vivrait mieux qu’elle. Cette espérance sourde mais solide, aujourd’hui, a disparu. Le rêve s’est transformé en cauchemar. Les Togolais, dans leur vaste majorité, n’ont gardé du système qu’une réputation d’horreurs dont les plus ahurissantes sont l’attaque contre la primature par les FAT le 3 Décembre 1991 et la séquestration, en Octobre 1992, des Hauts Conseillers de la République par les mêmes éléments de l’Armée dite nationale. Deux actes d’une bestialité hors norme que le parti au pouvoir n’a jamais condamnés. Pire, son Chef d’alors, Eyadèma, l’imputera cyniquement à « un règlement de compte entre politiciens ». Ce sont, parmi tant d’autres, ces tristes événements qui ont fait basculer dans une impasse profonde le destin de la transition démocratique. Le Togo ne s’en est jamais remis !

La personne de Faure, une mauvaise pioche, selon certains de ses soutiens, retourne sans cesse toutes ces vieilles boues. Pour ses plus farouches adversaires, il est « le président du Togo, mais pas le président des Togolais ». Ces opinions, bien réelles, sont le reflet d’un désamour, d’une désaffection générale que l’acte de disparition du RPT au profit de son propre parti ne peut pas effacer. Mais, pour des raisons pécuniaires et alimentaires, les sangsues qui ont saigné à blanc la patrie font semblant de suivre, tout en sachant que le second mandat de Faure Gnassingbé, comme le premier d’ailleurs, est vastement chahuté, et que le théâtre de Blitta n’est qu’un miroir aux alouettes, une fade griserie destinée à embobiner parasites et autres thuriféraires qui vivent de la cour. Cela prête à sourire mais, en même temps, donne à réfléchir.

Le RPT, avant d’être transformé par son fondateur en une machine à broyer les vies humaines et en instrument de pillage systématique des biens de l’Etat, était financé par les cotisations obligatoires des travailleurs, tant du public que du privé. L’actuel président de ce parti a décidé que les actifs du RPT dissout iraient à une fondation en création, dénommée « Fondation Gnassingbé Eyadèma ». Va-t-on prendre au moins la peine de rendre compte aux Togolais de ce que sont devenus les produits de leurs participations financières à la mise en place de ce parti ? Il y a aussi, chez ce président, une pratique abusive du double standard qui milite contre le pardon et la réconciliation. Le statut annoncé en faveur des députés du parti défunt en est un bel exemple. Pourquoi les députés du RPT peuvent-ils, eux, se constituer en groupe indépendant alors que leurs homologues de l’ANC s’étaient vu refuser cette option et rayés de la même Assemblée Nationale à cause d’un litige qui les opposait, en interne, à leur ancien leader Gilchrist Olympio? Il va falloir que quelqu’un explique ces anomalies aux Togolais ordinaires, au nom du respect que l’Etat doit au peuple.

Faure a à ses pieds trois gros boulets le discréditant d’être l’homme capable de changer le Togo, de le rassembler ou de l’UNIR dans une nation forte. Il s’agit d’abord de son bilan qu’on peut résumer en deux mots: le désastre. Ensuite, sa personnalité, intimement attachée à son patronyme. Enfin ses tonnes de cadavres de 2005. Comment pourra-t-il se débarrasser de ces trois handicaps majeurs ? Aujourd’hui, il se trouve des gens pour l’applaudir des deux mains, malgré la grisaille épaisse. Le slogan de ses admirateurs payés pour la cause :’’ Le Togo change et se développe.’’ Le premier Ministre Houngbo rêve même d’en faire un pays émergent dans vingt ans.

Alors que derrière sa façade trompeuse, le pays de tous les désaccords politiques a tout du « Costa Concordia », un pays naufragé, qu’il faudra du temps et des institutions crédibles pour remettre à flot. Le nouveau parti, crée en catimini, que propose Faure est mal barré pour accomplir cette tâche. Il n’en a point les moyens humains ni la volonté. De son côté, le peuple n’a pas non plus la volonté ou le désir de répondre présent, mû par un devoir de patriotisme, au rendez-vous que lui donne Faure Gnassingbé qui, pour sa part, rêve d’un cheminement populaire qui le conforterait dans son avancée vers un pouvoir personnel, comme avait su bien le faire son géniteur.

Toutes ces agitations électoralistes de l’ancien-nouveau RPT laissent entrevoir des sources de tensions évidentes. Le Togo, faute des réformes constitutionnelles et institutionnelles nécessaires, court vers une nouvelle fraude électorale dont le verdict préfabriqué va doter le pays, une nouvelle fois, d’un législatif taillé sur mesure, totalement contrôlé par les formations qui vont former « le grand rassemblement politique dirigé par Faure Gnassingbé ».

On voit venir le plan. Bien colossal et grossier. Au seul profit du souverain Gnassingbé. A moins que le Collectif démocratique « Sauvons le Togo » que vient de mettre en place Me Zeus Ajavon et qui regroupe une vingtaine de partis politiques et d’associations de la Société civile œuvre pour forcer la main à Faure, l’opposition se verra attribuer, arbitrairement, lors des législatives de fin d’année, une infime poignée de sièges dans la prochaine Assemblée Nationale. Vive l’Etat-RPT sans le RPT pour que vive la démocratie togolaise à relent autocratique.

Kodjo Epou

Washington DC

USA

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Kodjo Epou est journaliste et chroniqueur pour différents médias, spécialisé sur l'Afrique et/où d'investigation. Il est aussi spécialiste de Relations Publiques
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