Designers africains : des succès à l’international


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Les artisans africains se tournent de plus en plus vers des objets haut-de-gamme, et vers un design moderne et audacieux, pour séduire une clientèle internationale qui s’est éprise d’objets aux matières nobles et au savoir-faire de qualité. Rencontre avec la malienne Lalla Haidara, responsable du programme Design Africa, présente au Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou, au Burkina Faso, qui s’achève le 9 novembre.

Le SIAO, Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou, au Burkina Faso, l’unique salon de ce type sur le continent, se déroule du 30 octobre au 9 novembre. 350 artisans et designers venus de toute l’Afrique montrer leurs dernières créations en poterie, maroquinerie, ferronnerie, meubles, tissages, confection, bijoux, instruments de musique, peinture, sculpture, etc… Comme chaque année, des dizaines de milliers de visiteurs et des centaines d’acheteurs venus du monde entier sont présents. Car, à l’heure où la mondialisation homogénéise les styles de vie et les vêtements la création africaine devient très à la mode ! La Malienne Lalla Haidara, responsable du programme Design Africa, nous a accordé un entretien. Initié par l’Agence canadienne de développement international, ce programme vise à développer et faire connaître à l’international, le design issu du continent africain.

Afrik.com: En quoi consiste le projet Design Africa?

Lalla Haidara :
C’est une initiative lancée en 2006 par TFO Canada (bureau créé en 1980 par l’Agence canadienne de Développement International – ACDI – pour aider les pays en développement à exporter au Canada, ndlr). Le projet est financé par l’ACDI et par le gouvernement sud africain, pour aider les PME de décoration d’intérieur à développer des produits haut-de-gamme, et pour aider les designers professionnels. Car les produits de décoration d’intérieur sont d’un niveau bas pour le marché international. On ne peut pas concurrencer la Chine pour des produits de masse, donc il faut nous placer dans le haut-de-gamme.

Afrik.com: Concrètement, cela se traduit par quelles initiatives?

Lalla Haidara :
En 2006, nous avons fait venir 9 designers africains au Salon international du Design de Montréal. Il y avait Cheick Diallo du Mali, MAM Productions et Nulangee du Sénégal, Muya d’Ethiopie, d’autres du Swaziland, etc… Ca a eu un succès énorme à Montréal, et à Toronto où nous avons organisé ensuite une exposition solo de ces designers. Nous avons dans le deux cas invité des importateurs canadiens et nord-américains, et ça s’est traduit concrètement par des commandes. Vu le succès de cette initiative, pour le Salon de 2007 nous avons fait venir 19 PME, au lieu de 9. Ca a vraiment pris une autre dimension. On a eu énormément d’articles dans la presse, tous les médias en ont parlé, ça a été un succès énorme: les gens venaient exprès au Salon pour ça, c’était la nouveauté du Salon. Maintenant, c’est ce stand de Design Africa qui attire les gens au Salon international du Design de Montréal.

Afrik.com: Comment sélectionnez-vous les entreprises ou designers que vous invitez?

Lalla Haidara :
On fait d’abord une mission, dans les pays, on organise des ateliers d’information. Puis nous faisons des rencontres individuelles avec des entreprises, nous leur offrons une formation si nécessaire. Une fois de retour ici, nous faisons un travail d’identification des importateurs canadiens et nord-américains intéressés par ces produits.

Afrik.com: Quelle est votre réaction personnelle par rapport à ce projet?

Lalla Haidara :
C’est une fierté. D’abord, dans mon appartement, je n’ai que ces produits ! A chaque salon je dépense une fortune pour acheter des meubles ou des objets! A chaque fois que nous organisons une exposition, je suis vraiment émerveillée. C’est comparable aux produits haut-de-gamme, mais avec nos matériaux et nos traditions. Parce qu’en général, quand on dit Afrique, on pense aux masques ou aux statues de girafes ou d’éléphants… Mais le design africain existe. C’est quelque chose d’extraordinaire. C’est ce qui permettra à l’artisanat africain de se développer. Car on ne peut pas concurrencer les produits fabriqués en masse ailleurs: il faut des produits uniques. Et du même coup, ça permet aux PME d’employer des gens.

Afrik.com: Justement, quels matériaux ou techniques utilisent ces designers?

Lalla Haidara :
Cheick Diallo utilise les matériaux de récupération, souvent. Il fait des tables avec des boîtes de conserve. D’autres utilisent le cuir. Mam utilise la technique de broderie que les vieilles femmes faisaient dans le temps, mais elle l’applique sur des tissus blancs. Boubacar Fofana fait revivre l’indigo, qui était un peu en train de se perdre: il l’applique sur du beau lin d’Europe ou sur du coton organique.

Afrik.com: Ces nouveaux designers africains sont-ils en train de faire tache d’huile sur le continent?

Lalla Haidara :
Oui, dans certains pays ça commence à prendre une certaine dimension, comme au Ghana par exemple, où on a des produits de meilleure qualité qu’avant. Ils ont créé une association, Newcraft, qui regroupe des artisans du pays, et ils veulent faire appel aux designers africains qui sont partis s’expatrier.

Afrik.com: Quelles sont les prochaines évolutions du projet?

Lalla Haidara :
Nous sommes en train de préparer la présence de Design Africa au Salon Maison & Objet à Paris, qui est l’un des plus grands salons de décoration d’intérieur en Europe. Ce sera pour mars ou septembre 2009.

Consulter :

 Le site du SIAO

 Le site de Design Africa

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